Des dizaines de blessés, l'Arc de Triomphe saccagé, des commerces pillés, des immeubles incendiés… Après la sidération, au lendemain des scènes de guérilla urbaine à Paris en marge de la mobilisation des "gilets jaunes", l'heure est désormais aux questions, et notamment sur la gestion de cet événement par les forces de l'ordre.
INFO E1. Plus de 12.000 grenades lacrymogènes tirées samedi à Paris
12.000 grenades lacrymogènes tirées. Personne n'avait vu une telle intensité de violence, avec des assaillants aussi mobiles, depuis des décennies. L'ampleur de la riposte, elle aussi, est inédite. Selon les informations d'Europe 1, plus de 12.000 grenades lacrymogènes ont été tirées par les CRS et gendarmes mobiles au cours de la seule journée de samedi. À titre de comparaison, à Notre-Dame-des-Landes, au moment des affrontements entre zadistes et forces de l'ordre, un millier de grenades lacrymogènes étaient tirées par jour.
Le "maintien de l'ordre à la français". En saturant l'air, y compris de l'immense place de l'Etoile, les forces de l'ordre entendaient repousser les manifestants violents, les casseurs, et éviter ainsi les corps-à-corps qui provoquent énormément de blessures. Cette tactique est ce que les spécialistes appellent le "maintien de l'ordre à la française".
Ce savoir-faire est reconnu et enseigné à l'étranger, notamment par le général Bertrand Cavallier, qui a commandé le centre d'entraînement des forces de gendarmerie de Saint-Astier. "La première des priorités, c'est de préserver les vies, et ça a été le cas. Après, si on peut également protéger les biens, on le fait. Mais l'impératif premier est de limiter l'emploi de la force pour préserver les vies, de façon à permettre une sortie de crise et l'instauration d'un dialogue. C'est ça, la philosophie du maintien de l'ordre français", explique le général Cavallier au micro d'Europe 1. "Là, en l'espèce, les forces de l'ordre – gendarmes, CRS, policiers – ont eu un comportement exemplaire", assure le spécialiste.
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Une mobilisation inédite par sa forme. La mobilisation de samedi n'avait rien à voir avec une manifestation classique, où l'on suit un cortège sur un parcours défini. Là, les forces de l'ordre devaient sécuriser un périmètre de 10 kilomètres autour des Champs-Elysées et des institutions, pour éviter à tout prix que les casseurs y pénètrent comme le samedi précédent. C'est ce qui a mobilisé le gros des troupes toute la journée, avec succès. Mais au fil de la journée, des manifestants se sont éparpillés pour aller détruire des biens dans des rues adjacentes, où il n'y avait pas de forces de l’ordre pour les en empêcher.
Jamais les moyens civils de la BRI n'avaient été mobilisés au service de la gestion d'un événement
Les forces de l'ordre sur-sollicitées. En revanche, s'il y a eu au total plus de 400 arrestations, c'est parce qu'il y avait bien d'autres policiers pour rattraper les casseurs, après-coup. Des hommes d'élite de la BRI ont d'ailleurs été mobilisés, exceptionnellement, a confirmé le préfet de police Michel Delpuech. "Jamais les moyens civils de la BRI n'avaient été mobilisés au service de la gestion d'un événement. On avait dédié des fonctionnaires de brigades anti-criminalité, des fonctionnaires des compagnies d'intervention, qui ont beaucoup bougé dans la capitale. Certains d'entre eux indiquaient qu'ils avaient couru plus de 15 kilomètres pour faire des interventions", illustre-t-il.
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Des renforts inextensibles. Tout de même, ne fallait-il pas déployer plus de policiers pour empêcher les casseurs d'agir ? Pas si simple. Et pour cause, les rassemblements des "gilets jaunes" ne sont jamais déclarés. Si le préfet déployait 2.000 hommes supplémentaires, les manifestants violents trouveraient assurément d'autres lieux à saccager. Néanmoins, mettre en place des unités plus souples, plus mobiles, plus rapides, fait partie des pistes de réflexion.
D'autant que les renforts, venus de province, ne sont pas extensibles à l'infini. En effet, les violences ne sont pas circonscrites à Paris. Samedi, la préfecture du Puy-en-Velay a d'ailleurs été incendiée. Il est impossible de concentrer toutes les forces mobiles dans la capitale chaque samedi. C'est pour cela qu'à ce stade, la sortie de crise n'est pas policière, mais forcément politique.