La loi "anti-casseurs", adoptée à une large majorité mardi à l’Assemblée nationale en première lecture, divise et inquiète, jusque dans les rangs de la justice. Le barreau de Paris s’alarme notamment des dispositifs de cette loi, qui prévoit entre autres des interdictions préventives de manifester. "C’est un grave problème car on s’attaque à une des libertés fondamentales, une liberté autour de laquelle la République française s’est faite. La République s’est faite grâce aux manifestations", dénonce sur Europe 1 le vice-bâtonnier du barreau de Paris, Maître Basile Ader.
La justice au service du politique. Selon lui, la loi "anti-casseurs" pose un vrai problème de séparation des pouvoirs, dans la mesure où l'exécutif prendrait le dessus sur le pouvoir judiciaire. "On permet au préfet de prendre une mesure préventive (d’interdiction de manifester), contre laquelle il n’y aura pas de recours effectif car il peut la prendre 48 heures avant la manifestation déclarée, ou sur place si elle est non déclarée. Or la voie de recours qu’est le juge administratif, c’est au moins 48 heures pour le saisir, donc de fait c’est une mesure prise unilatéralement par le préfet, donc sur instruction politique, et sans voie de recours judiciaire", souligne Me Ader.
Le vice-bâtonnier du barreau de Paris s’inquiète également de la création d’un fichier de personnes interdites de manifester, qu’il juge contraire au droit. "Ce fichier ne serait pas subordonné à la reconnaissance antérieure d’actes répréhensibles constatés par une décision judiciaire définitive. En somme : on dit de quelqu’un qu’il est délinquant alors même qu’il n’a pas été jugé comme tel !", s'inquiète-t-il.
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"Un recul démocratique". La loi "anti-casseurs", "c’est tout ce qu’il y a de plus contestable, c’est un recul démocratique considérable ! (…) La liberté de manifester est au cœur même de notre histoire républicaine, et c’est la première fois qu’on fait une mesure pour interdire de manifester sans intervention du juge", martèle l’avocat. Et de rappeler : "Aujourd’hui, nos lois offrent les mesures d’arrêter les casseurs. Et ce n’est pas en s’en prenant à la liberté de manifester qu’on offre une bonne réponse, c’est vraiment le contraire de ce qu’est notre démocratie."