Christophe Castaner parlait d'une "attaque". Mais jeudi, une vidéo diffusée jeudi sur Facebook contredit la version du ministre de l'Intérieur, qui insinuait que des manifestants s'étaient introduits dans le service réanimation de l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, en marge du cortège du 1er-Mai à Paris.
Du personnel soignant filme les incidents
Du haut d'une passerelle qui dessert la sortie de secours du service de réanimation de l'hôpital, plusieurs soignants filment les manifestants qui sont déjà entrés dans l'enceinte de l'établissement, vaste de plusieurs hectares, par l'accès de la résidence universitaire du Crous. La vidéo de l'un d'entre eux, relayée sur Facebook, montre des manifestants fuir soudainement vers eux, dans la panique, alors que des policiers entrent sur le site.
"C'est la réa, on peut pas"
"Oh là là, oh putain !", "rentre, rentre !" : très vite, les soignants se replient dans le bâtiment et s'emploient à plusieurs pour bloquer la porte d'accès à leur service. Les premiers manifestants, sur une quarantaine au total, arrivent sur la passerelle et tirent sur la poignée pour entrer, dans un calme relatif. "Y'a des malades", "casse toi !", "c'est la réa, on peut pas": les membres du personnel expliquent derrière la porte vitrée aux manifestants pourquoi ils ne peuvent pas les laisser entrer.
"Ils ont juste cherché une issue possible"
Parmi eux, quelques "gilets jaunes", certains âgés, mais aucune personne encagoulée, ni masquée. Au bout d'une minute, des policiers arrivent sur la passerelle et commencent à les évacuer dans le calme. Au même moment, un bref échange a lieu entre soignants et manifestants, la porte ouverte cette fois-ci. "Ils nous gazent", dit l'un d'eux, cheveux gris. "Ils ne vont rien vous faire", rassure une soignante, alors qu'un policier le raccompagne dans le calme. La fin de la vidéo permet d'entendre les réactions des infirmiers et des aides soignants, certains avouant être "choqués", tandis que d'autres plaisantent ("j'ai encore cassé la porte, j'ai tiré comme un fou") ou essaient de comprendre ce qu'il vient de se passer ("ils n'ont pas compris, ils ne savaient pas, ils ont juste cherché une issue possible").
Christophe Castaner avait dit que le personnel avait été "agressé"...
Sur Europe 1 jeudi soir, le député La France insoumise Adrien Quatennens a demandé au ministre de l'Intérieur de "partir sans délai" après ce "mensonge éhonté". "Il n'est pas digne de sa fonction et ne se comporte pas en homme d'État. Il a instrumentalisé sciemment la presse dans cette affaire", reproche l'élu du Nord à Christophe Castaner, qui est selon lui "allé beaucoup trop vite" dans ses propos
"Après cette vidéo qui infirme définitivement l'"attaque" de la #Salpêtrière, tous les GAV et militants déférés doivent être libérés. Christophe Castaner doit démissionner", a tweeté le député de la France Insoumise Éric Coquerel.
Après cette vidéo qui infirme définitivement l’ « attaque » de la #Salpetrière, tous les GAV et militants déférés doivent être libérés. @CCastaner doit démissionner https://t.co/pp9CtaJhMJ
— Eric Coquerel (@ericcoquerel) 2 mai 2019
Mardi soir, le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner avait tweeté : "Ici, à la Pitié-Salpêtrière, on a attaqué un hôpital. On a agressé son personnel soignant. Et on a blessé un policier mobilisé pour le protéger. Indéfectible soutien à nos forces de l'ordre : elles sont la fierté de la République".
Bien embêté après la déferlante de témoignages infirmant la thèse d'une "attaque" contre l'hôpital, l'entourage du ministre de l'Intérieur a réagi jeudi, en fin de journée. "L'enceinte de l'hôpital a été forcée. Des individus ont tenté de s'introduire dans un service de réanimation. C'est un incident très grave, ces faits sont inadmissibles", a maintenu jeudi l'entourage de Christophe Castaner. Une enquête a été ouverte et 32 personnes ont été placées en garde à vue. Des gardes à vue qui ont finalement toutes été levées jeudi en début de soirée.
Pitié-Salpêtrière : "dégradations" mais "aucun lien à ce stade" avec l'intrusion
Des "dégradations" et un vol ont été commis dans l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière, mais "à ce stade, aucun lien ne peut être fait" avec l'intrusion de manifestants lors du défilé du 1er-Mai, a indiqué jeudi la direction de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP). Les faits rapportés par l'AP-HP se sont déroulés en deux temps. Mercredi, "dans le courant de l'après-midi, un vidéo projecteur se situant dans la salle de staff du service de chirurgie digestive a été arraché de son socle et dérobé".
Auparavant, dans la nuit de mardi à mercredi, "une effraction s'est produite à l'institut de cardiologie, qui a entraîné des dégradations importantes sur les murs et sur les mobiliers". "A ce stade, aucun lien ne peut être fait entre ces deux constatations et l'intrusion des manifestants" survenue vers 16h30 mercredi, lorsque "plusieurs dizaines de manifestants se sont introduits" dans l'enceinte de l'hôpital "en forçant (une) entrée qui était fermée par une grille métallique". Par la suite, "une trentaine de personnes a tenté d'entrer dans le service de réanimation chirurgicale", dont "l'équipe s'est rapidement mobilisée afin d'empêcher l'intrusion". "Les soins n'ont pas été perturbés et aucune dégradation n'a été constatée dans ce service", ajoute l'AP-HP.
Après la plainte annoncée mercredi soir par son directeur, Martin Hirsch, pour "mise en danger de patients" par "une bande de manifestants/casseurs", l'institution a indiqué jeudi que les autres "événements donneront lieu eux aussi aujourd'hui à un dépôt de plainte qui sera suivi d'une enquête de police".