Le 26 septembre 1985, alors qu'il anime son émission quotidienne Y’en aura pour tout le monde, en direct sur Europe 1, Coluche se révolte contre les gaspillages alimentaires et dénonce la destruction des surplus agricoles en France et en Europe. Sans vraiment le savoir, il va planter la première graine des Restos du coeur qui, 33 ans après, continuent d'apporter des repas à 900.000 bénéficiaires.
Laurent Cabrol, le "monsieur météo" d'Europe 1, était déjà salarié d'Europe 1 à l'époque. Chez Wendy Bouchard mardi matin, il a raconté les coulisses de cette grande aventure.
"J'étais là géographiquement pour la naissance des Restos, car j'avais le bureau voisin de celui de Coluche. Quand on dit que les Restos du cœur sont nés dans l'émission, c'est vrai. Ça a été carrément improvisé. D'un seul coup, ça a traversé l'esprit de l'équipe de Coluche. Ils ont dit : 'tiens, regarde tous ces invendus ! Il faudrait en faire quelque chose.'
>> De 9h à 11h, c'est le tour de la question avec Wendy Bouchard. Retrouvez le replay de l'émission ici
Cette idée, il a fallu la mettre en musique. Et pour cela, il fallait passer par la rédaction d'Europe 1. À l'époque, c'était un bastion. Pour crédibiliser les Restos, il fallait passer l'info. Et ce qu'il faut dire, c'est que Coluche n'était pas aimé de la rédaction. Un animateur qui vient dire à Maryse Gildas (meneuse de jeu à Europe 1 à l'époque, ndlr) : 'Alors ma poule', et qui appelle tous les auditeurs 'salut ma poule', ça choque. La rédaction n'en voulant pas, c'est Philippe Gildas qui m'a dit : 'Cabrol, tu fais partie de la rédaction et tu es en même temps le copain de Coluche. On va te demander d'aller parler des Restos du cœur à la rédac.'
Coluche me disait : 'Annonce ci, annonce ça'. Moi, je montais à la rédaction et je racontais ce qui se passait. Ça a donné une crédibilité terrible, et ça a été repris par toute la presse.
L'inauguration des Restos du cœur était à Gennevilliers, car Jacques Chirac (alors maire de la capitale) avait dit non pour Paris. Ce n'était pas une route tranquille, il ne faut pas croire !
Coluche est venu me prendre à 7 heures du matin dans sa voiture rose bonbon. Il m'a dit : 'viens avec moi, l'enfoiré, on va à Gennevilliers !' Au milieu du chemin, on s'arrête dans un Prisunic. Il rafle tous les trucs pour les mômes, des cageots entiers. Il met tout dans la voiture. On arrive là-bas, on voit une tente militaire, au milieu d'un terrain vague, sous la pluie. Il y avait une caméra. On dit à Michel [Coluche, ndlr] : 'porte la cagette sur l'épaule, on va te filmer'. Il a distribué les gâteaux et les jouets, ça a duré une demi-heure. C'était le premier Resto du cœur.
De retour à Europe 1, il fallait que je fasse le compte-rendu de ce qui s'était passé, parce que la rédaction ne voulait toujours pas que Michel vienne. J'ai commencé à glisser des mots comme 'enfoiré', des mots qui étaient les siens. Et en sortant, on m'a dit : 'ce n'est peut-être pas utile que tu emploies le mot enfoiré pour rendre compte des Restos du cœur'.