Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Le mouvement s’appelle #Blockout. Il est né sur les réseaux sociaux aux Etats-Unis avec la Guerre entre Israël et le Hamas. Il arrive en France. Qu’est -ce que c’est ?
Un énième avatar de la “ cancel culture”, qui consiste à tuer socialement les individus qui tiennent des propos considérés comme non politiquement corrects. Elle a fait des ravages sur les campus américains.
Le mouvement #blockout2024 a commencé le 9 mai sur Tiktok, Il s’agit d’annuler des personnalités publiques, des stars, des marques qui ne prennent pas clairement position pour la cause palestinienne. Des activistes appellent à leur boycott massif, à leur blocage sur X, sur Instagram. Ils ne faut plus écouter leur musique, ne plus acheter leurs films, etc. Des sites entiers sont dédiés à ce mouvement d’effacement. Chacun peut rajouter le nom de la personne à bloquer, en justifiant sommairement l’ostracisme. On peut ainsi éradiquer de son paysage social des listes entières de personnalités. Sans trop savoir pourquoi.
Ça a de l’effet ?
Après avoir été montrée du doigt, les célébrités, les marques, perdent parfois des milliers d’abonnés et de clients. Vous l’avez compris, le but est de leur nuire économiquement, d’écorner leur réputation, jusqu’à ce qu’elles s’expriment et disent ce que les activistes exigent. Aux Etats-Unis, les chanteuses Rihanna, Beyoncé, Miley Cyrus, Taylor Swift , la famille Kardashian, Justin Bieber, le rappeur Drake, l’acteur Will Smith en ont fait les frais...
Et en France ?
La délation-punition numérique fonctionne à plein régime. Les footballeurs Killian Mbappé, Zinedine Zidane, Antoine Griezmann en sont victimes. Ce dernier a perdi plus de 50.000 abonnés en quelques jours. Comme Jamel Debbouze, Le youtubeur Squeezie, la chanteuse Zazie, Kendji Girac, le spationaute Thomas Pesquet. Tous cloués au pilori...
Ils ou elles ont tenu des propos hostiles à la cause palestinienne ?
Même pas ! La plupart d’entre eux n’ont rien dit sur le sujet. D’autres se sont exprimés en soutien à la Palestine, mais pas correctement aux yeux des activistes, ou pas assez souvent ou de façon trop mesurée. C’est pervers. On ne leur reproche pas ce qu’elles disent... Mais ce qu’elles ne disent pas, ou ce qu’elles ne disent pas correctement. Et on veut les forcer à le dire, sous la menace. C’est une gigantesque machine à intimider. Une nouvelle inquisition que Torquemada n’aurait pas reniée
Les artistes, les marques, n’ont pas droit de simplement faire leur travail, on leur intime l’ordre de sortir de leur rôle, à prendre des positions, quand bien même elles n’ont pas envie d’en avoir. Vieux principe totalitaire : si tu n’es pas avec nous, camarade, tu es contre nous, tu es un ennemi. Nous voilà dans un monde où il n’y a aucune place pour la nuance, pour la réflexion, pour le jugement suspendu, pour le doute, le changement d’avis, ou simplement, pour le silence. Une industrie du chantage totalitaire se met en place, il est impossible de l’arrêter, et c’est terrifiant.