Chaque dimanche soir, François Clauss conclut les deux heures du Grand journal de Wendy Bouchard avec une mise en perspective toute personnelle de l'actu.
C’était le 16 mars dernier, une éternité face à un pays abasourdi au premier jour du confinement, le tempétueux jeune Chef d’État antisystème revêtait un uniforme de Général 5 étoiles.
Ou comment, avec des accents gaulliens, de boss d’une "start up nation" on se mue en "Père de la Nation".
Un mois plus tard, le 13 avril, face à un pays désemparé, inquiet, confiné depuis un mois, voilà notre Général qui se mue en "Commandante" en brandissant l’article Premier de la déclaration universelle des Droits de l’Homme.
Ou comment le jeune banquier d’affaire aux accents mitterrandiens se mue en révolutionnaire de 1789.
Dans quelle tenue nous apparaîtra-t-il dans quelques minutes ?
Quand la tenue du Chef de troupe mobilisateur s’effiloche sous l’effet de la pénurie puis du surplus de masques, quand la tenue du Révolutionnaire se déchire inexorablement sous l’effet des plans sociaux qui s’accumulent.
Le "en bras de chemise" plutôt qu’en costume face aux gilets jaunes puis au monde de la culture n’a pas vraiment eu l’effet escompté.
Et trois mois de confinement plus tard, 30.000 morts plus tard, plusieurs centaines de milliers de chômeurs supplémentaires plus tard, la cote de popularité stagne désespérément en dessous des 40%.
Quelle tenue endosser pour redonner un avenir à une jeunesse qui arrive sur le marché du travail, dynamitée dans ses rêves par la plus grave récession économique depuis un siècle qui se profile ?
Quelle tenue endosser pour rassurer des aînés, selon le nouveau terme consacré par le COVID, abandonnés sur le bord de la route ?
Quel costume faut-il enfiler pour affronter une jeunesse des banlieues et d’ailleurs qui soudain se lève, électrisée par un genou à terre devenant le symbole en France comme dans le monde d’une nouvelle révolte planétaire qui pointe ?
Comment redevenir le réformateur triomphalement élu hier, tout en assumant ce rôle protecteur que tout un pays réclame aujourd’hui ?
Comment incarner une vision tout en assumant l’intendance quotidienne et la gestion avec une administration débordée ?
Comment échapper à cette « malédiction du Président » qui a frappé ses deux prédécesseurs, l’un trop vibrionnant réformateur, l’autre trop banalement normal, dans les bras desquels ce pays rétif et versatile, s’était portant jeté pour mieux les rejeter tout aussi rapidement ?
Élu à l’âge de 39 ans, Emmanuel Macron se rêvait peut-être un destin à la Jacinda Ardern, la jeune et inexpérimentée première ministre néo- zélandaise devenue un modèle planétaire, entre autoritarisme et compassion pour son peuple dans la gestion de l’épidémie.
Il est sans doute déjà trop tard pour Emmanuel Macron, et c’est plus vraisemblablement un autre costume qu’il va revêtir dans quelques minutes, celui de l’un de ses mentors dans l’histoire de France, un costume de Tigre, celui d’un politique qui, en son temps, bouscula un système, celui d’un militaire qui redressa une armée : Georges Clémenceau.
Car ébranlé par la crise inédite que nous venons de traverser, celui qui voulait bousculer la table a visiblement reçu un message.
Mais faudrait-il pour cela qu’il applique l’un des adages préférés, signé justement de son mentor Clémenceau : "Il faut savoir ce que l’on veut, quand on le sait, il faut avoir le courage de le dire, quand on le dit, il faut avoir le courage de le faire".