Tous les samedis dans l'émission Mediapolis, Claire Hazan revient sur l'actualité et la politique par le prisme des réseaux sociaux.
Claire Hazan, vous scrutez pour nous les réseaux sociaux. Et cette semaine ce qui a fait grand bruit c’est l’histoire totalement rocambolesque de la vraie-fausse mort d’un journaliste russe en Ukraine, Arkadi Babtchenko.
Une fausse mort mais une histoire vraie, qui ferait passer Game of Thrones pour une sitcom mollassonne de seconde zone.
Je vous résume l’intrigue. Attention ce qui va suivre contient un spoiler.
Dans l’épisode 1, un journaliste est assassiné d’une balle dans le dos. Il s’agit du russe Arkadi Babtchenko, ouvertement anti- Poutine. Tout le monde suspecte la Russie. Les photos de son cadavre circulent sur les réseaux sociaux et les chaines de télé du monde entier.
Episode 2, le climax : 24h plus tard, ledit journaliste fait irruption à une conférence de presse, celle de sa propre mort. Stupeur dans la salle, il est ressuscité. Il s’excuse auprès de sa femme.
Episode 3, le denouement : les services secrets ukrainiens révèlent qu’ils ont tout orchestré. Une mise en scène disent-ils destinée à piéger la Russie et déjouer un vrai projet d’assassinat contre Babtchenko. On n’a pas bien compris où était le piège pour la Russie, ça reste assez obscur. Mais ce n’est pas grave parce que pour le gouvernement ukrainien l’opération est un succès. Et pour s’en vanter, ils citent très officiellement Sherlock Holmes qui avait lui aussi mis en scène sa propre mort.
Et donc pendant 48h, dans le monde entier, médias et politiques ont été piégés par cette histoire.
Oui, et la méthode ukrainienne n’a pas fait rire tout le monde.
A commencer par ceux qui ont relayés l’information de la mort de Babtchenko, avec pour certains des hommages appuyés et larmoyants.
Sur Twitter par exemple, c’est le cas nombreuses personnalités dont on ne citera pas le nom. Et puis c’est le cas de bcp de médias, qui ont repris l’information officielle émanant du gouvernement ukrainien. C’était ainsi en une du Monde de mercredi.
Et jeudi les mêmes médias ont donc du relayer la « résurrection » d’Arkadi Babtchenko.
Et ils pointent du doigt « l’absurdité du canular » (ce sont les termes du Guardian) et surtout ses dangers.
Danger, à l’ère des fake news et des théories du complot, de saper la crédibilité des médias. C’est ce qu’a dénoncé sur Twitter Christophe Deloire, secrétaire général de Reporters Sans Frontieres, je le cite « Il est toujours profondément dangereux que des Etats jouent avec les faits, et de surcroit sur le dos des journalistes ».
Et puis danger vis-à-vis de la Russie. Cette affaire permet à Poutine de se positionner comme victime. Elle devient la preuve qu’il existerait bien une propagande antirusse en Occident. Sur le site Russia Today, affilié au Kremlin, on pouvait lire cette semaine : « Cet épisode sordide expose les tenants d’un complot russe, pris au sérieux depuis trop longtemps”.
Heureusement, tout le monde ne prend pas ça trop au sérieux. Sur Twitter, depuis cette affaire, tout est devenu possible. Les internautes s’échangent des photos d’Elvis, en espérant sa prochaine résurrection.