Japon : les Yakuzas infiltrés à Fukushima

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ILS SONT PARTOUT - Trois ans après la catastrophe, les entreprises de décontamination tentent d'échapper à la mafia japonaise.

L’INFO. Ils n’ont peut-être pas directement la main sur les entreprises de décontamination, mais les Yakuzas semblent bel et bien avoir réussi à s’infiltrer dans le marché post-catastrophe. Régulièrement, comme en novembre 2013, la police japonaise arrête des recruteurs proches de la mafia japonaise, trois ans après le tsunami. Leur crime : avoir illégalement démarché pour proposer un travail sous-payé dans le secteur de la décontamination nucléaire.

Poupées russes. Les bras manquent pour nettoyer les quelque 1.000 kilomètres carré de l’est du Japon. Les entreprises qui ont obtenu les marchés publics pour racler la terre, couper les herbes contaminées font appel à des sous-traitants, qui font eux-mêmes appel à d’autres sous-traitants pour trouver ces “liquidateurs”.

Sasa

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Au petit matin, l’agence Reuters était allé à la rencontre de Seija Sasa, qui se rend dans les gares pour trouver les bras manquants à la décontamination de la ville de Fukushima, à 80 km de la centrale anéantie. En les réveillant, le recruteur leur propose du travail, en oubliant de leur mentionner qu'ils ne verront qu'une partie de leur paye. Le reste ira dans la poche des Yakuzas, pour qui il travaille.

Sans pour autant confirmer l’information à Europe 1, le professeur de l’EDHEC, titulaire de la chaire de management des risques terroristes, Bertrand Monnet ne s’étonne pas. Il estime que ces informations sont “révélatrices de l’infiltration des yakuzas dans le secteur du BTP et de l’intérim”.

Difficile à repérer. Le recruteur de ces SDF, chair à canon du nucléaire, fournissait indirectement sa main d’oeuvre à Obayashi Corp., un géant du BTP impliqué dans les travaux de décontamination. Depuis les dernières arrestations, un porte-parole de l’entreprise, Junichi Ichikawa, a déclaré qu’Obayashi jetterait un œil plus attentif à ses sous-traitants. “Des éléments poussent à penser que ce que nous faisions n’était pas suffisant”, concède-t-il.

Bertrand Monnet confirme que “la présence de capitaux criminels (dans une entreprise, ndlr.) est difficile à détecter”, car “le crime organisé japonais est très ancien”. De plus, ces entreprises sont tout à fait légales, et peuvent “très bien travailler”, continue le professeur de l’EDHEC. Mais “du fait de la nature criminelle de leur actionnaire, elles peuvent avoir des comportements amoraux”, comme le montre ces recrutements à l’aveugle.

Fukushima

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Leurs cibles : les plus faibles. Dans une autre ville, c'est un jeune sans domicile qui a été recruté pour décontaminer la région de Fukushima, rapporte Le Parisien. Trois mois passés à ratisser la terre : "Le pire, ce n'était pas la radioactivité, mais la chaleur et le côté rébarbatif du travail." Un pasteur, membre d’une ONG, regrette que les plus vulnérables soient visés par ces recruteurs : “Tout le monde se fait de l’argent sur leur dos”, explique-t-il. ”Comme ils n’ont ni adresse, ni compte en banque, ils ne peuvent compter que sur des recruteurs illégaux pour trouver du travail”, qui en profitent pour leur soutirer une partie de leur salaire.

Pourtant, le gouvernement japonais a fait son possible pour empêcher l’enrichissement des mafieux opportunistes. L’Etat sélectionne les entreprises pouvant postuler aux marchés publics. Les entreprises aux mains des yakuzas ne peuvent même pas déposer d’appel d’offre. Leur présence dans les marchés publics a donc considérablement chuté. “Mais encore faut-il pouvoir détecter la présence de capitaux mafieux”, nuance Bertrand Monnet.

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