Le voyage avait été annoncé dès novembre par le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Emmanuel Macron effectuera sa première visite officielle en Chine "au début de l'année prochaine". La date est désormais connue : c'est du 8 au 10 janvier que le président français rencontrera son homologue chinois, Xi Jinping. Comme tous les voyages présidentiels, celui-ci ne doit rien au hasard et participe d'une stratégie globale minutieusement élaborée. Avec toujours le même objectif : réaffirmer la position de premier plan de la France sur la scène internationale.
Ouvrir le "chapitre asiatique". Pour ce faire, Emmanuel Macron a d'abord donné sa priorité, comme nombre de ses prédécesseurs, à l'Union européenne. Son premier déplacement en tant que chef d'Etat a été pour l'Allemagne, dans la droite ligne d'une campagne électorale axée autour du renforcement du couple européen. Il a également abordé le sensible dossier russe, en invitant Vladimir Poutine à Versailles fin mai. À la fin de l'année dernière, enfin, il a effectué une tournée africaine très commentée.
" Cette visite ouvre le chapitre asiatique de l'action du président, qui jusqu'à présent s'était davantage exprimé sur les questions européennes ou africaines. "
Son voyage en Chine est crucial à double titre, explique Alice Ekman, responsable des activités Chine à l'Institut français des relations internationales (Ifri). "Il s'agit d'une visite importante, puisque c'est la première d'Emmanuel Macron dans le pays en tant que président de la République. Mais également car elle ouvre le chapitre asiatique de l'action du président, qui jusqu'à présent s'était davantage exprimé sur les questions européennes ou africaines."
Pour l'instant, Emmanuel Macron est resté assez vague sur ses intentions, évoquant lors de ses vœux présidentiels le "besoin" pour la France de "retrouver l'ambition européenne" afin de "faire face à la Chine, aux Etats-Unis". "La politique asiatique de la France sera probablement clarifiée dans les prochaines semaines", anticipe Alice Ekman.
Des enjeux économiques forts. L'enjeu est crucial. La Chine est un partenaire économique majeur pour l'Union européenne, qui réalise 15% de ses échanges commerciaux avec Pékin. Mais en dépit de ces liens forts, il subsiste de nombreux points de blocages avec le pays de Xi Jinping, notamment "la question de la réciprocité de l'accès au marché", souligne Alice Ekman. "De fait, il est plus facile pour les entreprises chinoises d'accéder au marché européen que l'inverse."
En janvier 2017, pourtant, Xi Jinping avait promis de "garder ses portes grandes ouvertes" pour les investissements étrangers. Mais les obstacles en tous genres restent très nombreux, selon un rapport de la Chambre de commerce européenne à Pékin publié en septembre dernier. La législation chinoise reste très restrictive pour les entreprises européennes, les obligeant à s'associer en coentreprise avec un partenaire local ou leur interdisant purement et simplement l'accès à certains secteurs. "Les chiffres parlent d'eux-mêmes", soupirait Mats Harborn, le président de la Chambre de commerce européenne basée en Chine à l'automne. "Les investissements chinois en Europe se sont envolés de 77% [en 2016] tandis que les investissements de l'UE en Chine s'effondraient d'un quart. Aucune amélioration n'a été constatée au premier semestre 2017, avec une nouvelle baisse de 23%.
Imposer la réciprocité. Cette non-réciprocité inquiète fortement au sein de l'Union européenne. "Se pose à Bruxelles la question des investissements chinois dans des secteurs et technologies considérés comme stratégiques", poursuit Alice Ekman. "La commission européenne, après un appel conjoint de la France, de l'Allemagne et de l'Italie l'année dernière, propose désormais de créer un mécanisme d'échange entre pays sur les investissements sensibles." À charge donc, pour Emmanuel Macron, de poser ce problème sur la table.
La question des Nouvelles routes de la soie, vaste projet annoncé par Pékin en mai dernier, qui doit redonner vie au corridor commercial entre l'Asie et l'Europe, devrait également être abordée. "Il y a une sorte de passivité européenne à cet égard, qui tourne à la sidération", notait le directeur de l'Ifri, Thomas Gomart, dans les colonnes de la revue Politique Internationale cet été. "L'Europe semble se satisfaire de n'être vue que comme l'aboutissement de cette fameuse 'nouvelle Route de la soie'." Là encore, tout l'enjeu sera d'imposer une réciprocité.
Devenir LA puissance européenne. Mais la tâche s'annonce difficile, prévient Alice Ekman. "Les nouvelles routes de la soie sont un projet flexible, qui ne cesse d'évoluer et de s'étendre. Il est donc difficile de se positionner clairement face à cette nébuleuse que le gouvernement chinois considère à la fois comme un projet de diplomatie économique, de communication et de gouvernance mondiale. Il faut évaluer les intérêts français et européens au cas par cas."
Si Emmanuel Macron y parvient, les bénéfices pourraient être autant économiques que politiques. Car il deviendrait alors, de facto, le porte-voix de l'Union européenne. "Il faut reconnaître que notre président joue admirablement bien d'une fenêtre d'opportunité", analyse le sinologue Jean-Luc Domenach sur France Info. "Les Allemands sont un peu coincés actuellement par leurs problèmes intérieurs, et donc la France peut apparaître, comme au temps de Georges Pompidou, comme la puissance européenne."
La Syrie et la Corée du Nord au cœur des discussions
Emmanuel Macron et Xi Jinping devraient aborder deux sujets brûlants dans lesquels la Chine joue un rôle clef : la Corée du Nord et la Syrie. Dans le premier, Pékin se trouve entre le marteau et l'enclume, allié à la fois commercial, militaire et politique de la Corée du Nord dans les textes, mais pressée par les Etats-Unis d'appliquer plus fermement les sanctions économiques à l'encontre de Pyongyang. Si la Chine redoute la course à l'armement de son voisin nord-coréen, elle ne souhaite pas non plus son effondrement, qui pourrait rimer avec un afflux de réfugiés et, en cas de conflit, des positions américaines dans la région. Sur ce dossier, Emmanuel Macron pourrait se positionner en médiateur, moins imprévisible et belliqueux que Donald Trump.
C'est sûrement moins évident, mais la Chine a aussi des intérêts en Syrie. Pour la première fois l'année dernière, Pékin a déployé des troupes dans le pays en proie à la guerre. La Chine y a des intérêts stratégiques et économiques. Et le régime de Bachar al-Assad se tourne désormais vers l'Asie pour envisager la reconstruction de la Syrie.