L'expérimentation prend fin. La mesure, mise en place le 1er juillet dernier par le parquet de Cayenne, n'ira pas plus loin que le mois de septembre. Celle-ci consistait à classer sans poursuite les saisies de moins de 1,5 kg de cocaïne à l'aéroport de Cayenne en Guyane dans le but de "diminuer la charge" du trafic et d'augmenter les saisies. Quatre tonnes de poudre blanche produites sur le continent débarqueraient chaque année du Suriname voisin, avant de rejoindre l’hexagone.
1 à 4 mules par vol interpellées par la police
Une "mule", une personne chargée de transporter la drogue par avion, interpellée avec moins d'1,5 kilo de cocaïne pouvait alors être libérée avec une interdiction de paraître à l'aéroport de Cayenne et une inscription au fichier des individus recherchés. Une centaine de voyageurs, selon les dernières estimations du procureur général de la ville, tente chaque jour de faire passer la came en métropole. "Quelqu'un qui arrive avec des ovules plein le ventre, je peux vous garantir qu'elle n'est pas sereine car si il y a un ovule qui craque : c'est l'overdose." Ce genre de scène est quotidienne pour Olivier Lorry, policier aux frontières à l'aéroport de Cayenne.
Chaque jour, en moyenne 3 avions décollent, direction Paris. Des dizaines de "mules" embarquent dans chaque appareil. La cocaïne est cachée dans leurs affaires ou ingérée sous forme d'ovules, de grosses gélules remplies de poudre blanche. 1 à 4 mules par vol sont interpellées par son équipe. "Quand on lui pose des questions basiques de contrôles de police, que la personne ne sait même pas où elle va en métropole, on a déjà un gros doute. Le doute permet de faire des contrôle plus poussés. On fait un dépistage urinaire, une prise de sang, et on fait une radiographie, un IRM. Et une fois que la personne est interpellée, elle est mise en chambre carcérale à l'hôpital. Ils lui fournissent un traitement pour qu'elle expulse les ovules", souligne Olivier Lorry.
"Des personnes prises à la gorge"
La méthode des narcotrafiquants : le recrutement de rue et l'appât du gain. La moitié des Guyanais vit sous le seuil de pauvreté. Alors gagner jusqu’à 8.000 euros en 8 heures de vol devient pour certains une évidence. Morgane Fournier, avocate à Paris, défend des passeurs arrêtés à leur arrivée en métropole. La plupart de ces personnes sont "de très jeunes majeurs sans emploi", précise-t-elle. "Il y a eu une période où c'était des femmes enceintes. Une façon de dissimuler le produit ou en tout cas le sentiment qu'on viendrait moins les contrôler. Ces mules sont généralement dans une situation financière extrêmement précaire, voire totalement prises à la gorge."
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L’expérience a provoqué un tollé
Mais face à l'ampleur du phénomène, l'abandon des poursuites pour les saisies de moins de 1,5 kilo est une aberration selon Yvane Goua, porte-parole de l'association Trop Violans qui sillonne le Guyane pour empêcher les jeunes de céder aux narcotrafiquants. "C'est du sabotage. On s'attaque au travail de terrain que font les acteurs. Nous avons toujours demandé des peines plus lourdes, qui puissent être compréhensibles pour un jeune et pouvant dire aux trafiquants : je ne veux pas le faire car ça va me coûter cher."
L'expérience qui avait provoqué un tollé, s'arrête. Sur place, des moyens supplémentaires sont réclamés pour contrôler davantage de voyageurs dans les aéroports et poursuivre les "mules" devant les tribunaux.