Depuis le 16 février 2015, les animaux ne sont plus considérés comme des meubles aux yeux de la loi. Ils sont désormais des "êtres vivants doués de sensibilité", mais restent soumis, sauf exception, au régime des biens. Cette avancée, bien que majeure, est loin d'être une fin en soi pour les associations. La Fondation 30 Millions d'Amis a fait éditer jeudi le tout premier "Code de l'animal". Une nouvelle étape censée faciliter la tâche des juristes, et ouvrir la voie à la reconnaissance d'un statut juridique tout à fait à part.
Mettre fin au "parcours du combattant" des juristes
Publié chez LexisNexis, cet ouvrage de 1.058 pages réunit tous les articles de loi, arrêtés, règlements, directives européennes et décisions jurisprudentielles ayant trait aux animaux, dans un seul et même Code. Jusqu'alors, ces textes étaient en effet disséminés dans les nombreux autres Codes existants : Code civil, Code pénal, Code rural, Code environnemental, voire Code de la route… Sans compter tous ceux qui n'étaient tout simplement pas codifiés.
"Lorsque les magistrats voulaient prendre des décisions, il fallait à chaque fois qu'ils aillent consulter ces différents Codes pour arriver à quelque chose. C'était le parcours du combattant. Cet outil leur manquait", insiste la présidente de 30 Millions d'Amis, Reha Hutin. "La plupart du temps, les magistrats n'étaient même pas au courant des différentes réglementations concernant les animaux. Là, ils vont avoir tout ça sous la main", appuie-t-elle encore auprès d'Europe1.fr.
De plus en plus de cas dans les tribunaux
Bien qu'informel, ce "Code de l'animal" devrait donc s'avérer particulièrement utile pour les avocats, juges et autres procureurs, saisis de plus en plus fréquemment sur des dossiers liés aux bêtes. "L'animal a pris une place très importante dans les foyers français. De plus en plus de gens viennent me voir suite à des cas de saisie administrative ou de maltraitance", observe ainsi Éric Alligné, avocat au Barreau de Paris spécialisé en droit de la protection animale. "Or, les gens ne sont pas du tout informés des droits, des recours et des dispositifs légaux à leur disposition". Le "Code de l'animal", déjà en rupture de stock sur Amazon, n'est cependant pas dédié – du moins en principe – aux particuliers.
" C'est aussi un outil utile pour les associations de protection animale "
"En plus des juristes, c'est aussi un outil utile pour les associations de protection animale", souligne à ce propos Lucille Boisseau-Sowinski, maître de conférences en droit privé à l'Université de Limoges, la seule en France à proposer un diplôme en droit animalier. "Cela leur donne des textes sur lesquels s'appuyer pour faire des recours et des demandes en justice", éclaire-t-elle.
À elle seule, la Fondation 30 Millions d'Amis a ainsi intenté l'an passé quelque 250 procès pour maltraitance. Et sa présidente, Reha Hutin, sent bien que quelque chose a changé dans l'importance accordée à ces affaires. "Il y a encore 3-4 ans, la plupart de nos plaintes étaient classées sans suite. Aujourd'hui, elles sont mieux prises en considération et les magistrats appliquent avec plus d'audace des peines alourdies", affirme cette journaliste de profession. En octobre dernier, un Rémois de 29 ans a ainsi été condamné à quatre mois de prison ferme après avoir battu le chien qu'il gardait. "Avant, il n'aurait peut-être eu qu'une contravention", juge Reha Hutin.
Une nouvelle étape à franchir
Mais le "Code de l'animal" met aussi en lumière certaines incohérences législatives. "C'est là qu'on voit qu'il y a un hiatus entre le fait de considérer l'animal comme un être vivant et sensible et ce pouvoir exorbitant qu'on a de l'euthanasier si on le veut", relève encore la présidente de 30 Millions d'Amis.
Dans le Code civil, l'animal est toujours soumis au droit des biens, mais beaucoup de règles dérogatoires sont appliquées dans les faits. Le réel combat des associations est désormais de créer un statut juridique plus complet et plus protecteur des animaux. "On voit qu'il y a une tendance à aller vers ça. On peut être chef de file de cette tendance ou bon dernier. Peut-être que la France devrait essayer d'être chef de file…", glisse la spécialiste Lucille Boisseau-Sowinski. "Après c'est au législateur d'en décider".
Pour les associations, l'ouvrage publié jeudi légitime en tout cas la pertinence de leur combat. À l'étranger, plusieurs jurisprudences pourraient servir d'exemple. En avril 2017, pour la première fois au monde, la justice argentine avait notamment fait relâcher une femelle chimpanzé qui déprimait dans un zoo, en lui appliquant un droit normalement réservé aux humains : celui de l’Habeas corpus, une liberté fondamentale qui interdit l'emprisonnement d'une personne sans jugement.