Métro, boulot… cardio ? Aux États-Unis, ce triptyque s’est fait une place dans les entreprises depuis longtemps. Il n’est pas rare de voir des collègues transpirer ensemble dans la salle de sport après le travail ou participer à des courses au nom de leur entreprise. Une habitude qui n’a pas franchement traversé l’Atlantique : en France, faire du sport dans le cadre de l’entreprise n’est guère courant. Alors que les bénéfices d’une telle pratique sont clairement identifiés, moins d’une société sur cinq propose des initiatives sportives à ses salariés.
Des inquiétudes à lever
En effet, d’après une étude réalisée par le Medef, le ministère des Sports et l'Union Sport & Cycle en novembre 2017, 87% des patrons français assurent avoir déjà entendu parler des "effets positifs de la pratique sportive des salariés sur la compétitivité de l’entreprise". Sauf que seules 18% des entreprises proposent des initiatives en faveur de la pratique sportive. Une offre par ailleurs très disparate : 82% des entreprises de plus de 250 personnes proposent des activités sportives, contre seulement 17% des entreprises de 0 à 9 salariés.
Ce manque d’initiative contraste pourtant avec les bienfaits reconnus de la pratique sportive. D’après une étude menée en 2015 par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et le Medef, faire du sport présente de nombreux bénéfices sur le plan professionnel, pour les salariés (5 à 7% d’économies sur les dépenses de santé annuelles, +3 ans d’espérance de vie) autant que pour les employeurs (gain de 6 à 9% de productivité des salariés concernés).
" "Il faut intégrer le sport à une stratégie managériale" "
"Il y a des freins au développement de la pratique sportive au travail, à commencer par une méconnaissance réglementaire", reconnaît auprès d’Europe 1 Frédéric Delannoy, directeur technique national de la Fédération française du sport en entreprise (FFSE). Cette institution, fondée en 2003, se donne pour but de démocratiser l’activité physique en entreprise, sous toutes ses formes. Les raisons du retard français dans ce domaine ont été bien identifiées par l’étude de 2017 : locaux non adaptés (motif cité par 34% des patrons), manque de moyens humains et financiers (19%), méconnaissance des bonnes pratiques ou de la réglementation (16%).
"Ces freins ont ralenti la progression du sport en entreprise. Mais l’intérêt est en nette croissance. Il y a quatre ans, personne n’en parlait, il n’y avait même pas d’étude", appuie Frédéric Delannoy. Aujourd’hui, la FFSE est contactée par les entreprises et les collectivités publiques pour trouver "des solutions sur mesure" pour les employés. "Nous promouvons avant tout une stratégie entrepreneuriale qui intègre l’activité physique. S’il s’agit juste de distribuer des coupons (voir encadré), sans suivi et sans accompagnement, cela n’a pas de sens."
Le Coupon Sport, géré par l’Agence nationale pour les Chèques-Vacances (ANCV), fonctionne sur le même principe que ces derniers mais uniquement pour la pratique sportive. Il donne accès à plus de 43.000 associations sportives pour payer des adhésions, des licences ou même des stages. Dans le même esprit, le Chèque Sport et Bien-Être offre un large choix d’activités pour les salariés, sportives mais pas uniquement. Tous deux peuvent être adoptés par le Comité d’entreprise.
Encadrer et mobiliser les salariés
Pour développer la pratique sportive en entreprise, plusieurs options sont envisageables : événements ponctuels, aménagements du temps de travail, actions de sensibilisation, mise à disposition d’une salle de sport, remboursement d’un abonnement à une salle de sport. Des initiatives que la FFSE accompagne de formations aux bonnes pratiques sportives et aux obligations juridiques.
Le plus gros du travail est à effectuer dans les petites entreprises. "Dans sa tour de La Défense, Total possède une très belle piscine. Mais pour des questions de sécurité et de réglementation, elle ne peut pas la mettre à disposition d’autres entreprises. Alors que les petites entreprises ont plus de marge pour se regrouper", indique Frédéric Delannoy. Mutualiser les moyens : c’est l’axe majeur de développement de la FFSE. "Il suffit de pas grand-chose : une entreprise qui a une douche ou un vestiaire et partage avec ses voisins, c’est déjà un grand pas en avant."
Autre enjeu majeur : rassurer les chefs d’entreprises. "Ils sont souvent inquiets à propos du coût des initiatives et des moyens à déployer. Mais c’est la question de la responsabilité qui revient le plus souvent", précise Frédéric Delannoy. Concrètement : si une entreprise installe une salle de sport et qu’un salarié se blesse, le risque est d’avoir un accident du travail sur les bras. "La loi n’est pas définitive sur ce point, il y a beaucoup de facteurs qui entrent en jeu. Notre rôle est de rassurer les patrons et de les aider à créer les meilleures conditions d’exercice de la pratique."
" Donnez-vous des objectifs "
Toujours dans le cas d’une salle de sport, il faut ainsi faire appel à un garant : un coach sportif ou un formateur qui va accompagner les salariés dans leurs exercices. Pour contourner l’obstacle, il est aussi possible de créer une association sportive pour l’entreprise ou de s’adosser à une fédération, afin de déplacer la responsabilité.
Finalement, avant même de mobiliser les chefs d’entreprise, le plus simple reste encore de s’adresser directement aux salariés. "Environ 90% des actifs sont demandeurs vis-à-vis du sport au travail, mais seulement 17% pratiquent. Il faut combler cet écart en leur proposant des initiatives personnelles", analyse Frédéric Delannoy. Pour ceux qui ne disposent pas de structure sportive interne, il reste donc l’organisation informelle qui consiste à réunir les personnes motivées autour d’événements réguliers et gérés par les salariés eux-mêmes : séances de jogging, matches de foot ou de tennis… Le message passé par la FFSE est simple : "Donnez-vous des objectifs".
Comment développer le sport en entreprise ? Raphaëlle Duchemin posera la question à ses invités, jeudi 5 septembre, dans son émission La France bouge, sur Europe 1. Accompagnée de la "coach" Catherine Testa, co-fondatrice du Club des Chief Happiness Officers et auteur de Osez l’Optimisme !, elle mettra en avant les solutions proposées par des patrons qui poussent leurs salariés à faire du sport. L'émission est à suivre en direct ici.