>> Tous les jours dans Historiquement vôtre, David Castello-Lopes revient sur les origines d'un objet ou d'un concept. Lundi, il se penche sur la fermeture éclair, un objet devenu tellement banal qu’on a oublié qu’il fut inventé tardivement. Et qu’il a révolutionné l’habillement dans le monde.
"Je suis aussi obligé de reconnaître que quand rien n’est coincé dedans, la fermeture éclair, c’est quand même génial. Non seulement parce que cela va bien plus vite que toutes les alternatives disponibles - à part peut-être le velcro, mais ce n’est pas encore très socialement accepté dans l’habillement - mais surtout parce que la fermeture éclair, c’est très chargé symboliquement.
Rien que le son d’une fermeture éclair, ça évoque un monde de sensualité réussie. Tout ça juste avec le bruit de petits crochets qui s’assemblent sous la pression d’une glissière en métal.
Rien ou presque jusqu'au 19ème siècle
Mais alors, d’où vient la fermeture éclair, et qu’y avait-il avant ? Pendant des millénaires, on attachait les vêtements en gros de deux façons. Soit on ne les attachait pas, on se drapait simplement dedans, soit on utilisait des broches. Et puis on a inventé successivement les lacets, qui marchent pas mal, puis les boutons au 13ème siècle (ce qui est super tard quand même, alors que ça paraissait quand même assez simple comme invention).
Et au 14ème siècle est apparu en Angleterre une sorte d’ancêtre de la fermeture éclair, avec d’un côté de gros crochets et de l’autre de gros anneaux. Mais il fallait assembler un à un à la main, ce qui était très fastidieux. C’était une sorte de version pas du tout éclair de la fermeture éclair. Et après, en gros, plus rien pendant quatre siècles. Entre-temps, on a inventé la machine à vapeur, l’ampoule électrique, le téléphone, le moteur à explosion… Mais quand il s’agissait de fermer ses vêtements, on était encore dans la même méthode primitive qu’au Moyen-Âge.
Whitcomb Judson, l'inventeur révolutionnaire
Mais un jour, en 1843, il y a un petit garçon qui est né à Antwerp, dans l’état de New York. Ce petit garçon s’appelait Whitcomb Judson. On ne sait pas grand-chose de lui : on sait juste qu’une fois adulte, il a fait la guerre de Sécession dans le camp des gentils et qu’il a été blessé. Et puis vers la quarantaine, il a commencé à inventer des trucs. Et l’une des choses qu’il a inventées, c’est une sorte de proto-fermeture éclair destinée principalement à fermer les chaussures des femmes. Parce que les chaussures de femmes à l’époque c’était souvent 20, 30 boutons, donc il fallait compter une demi-journée pour les attacher.
Et en 1893 donc, Whitcomb Judson a déposé un brevet. Le seul problème, c’est qui la fermeture de Judson avait tendance à s’ouvrir toute seul au moindre mouvement, ce qui bien sûr limitait énormément l’intérêt de l’objet. Et c’est un immigré suédois, Gidéon Sundback, qui quelques années après a repris le concept et qui l’a amélioré en rajoutant plus de dents et en donnant ainsi aux fermetures éclair leur apparence actuelle.
La réticence des puritains
Mais il y avait quand même encore quelques résistances à la fermeture éclair dans la société. En partie car la fermeture éclair, par rapport à ce qu’il y avait avant, c’est complètement porno. Je veux dire c’est une sorte d’ouverture facile. Sauf qu’à la place du paquet de chips, c’est des gens. Et s’il y a une chose que j’ai apprise sur les puritains, c’est qu’ils n’aiment pas beaucoup qu’on puisse ouvrir les gens aussi facilement que des paquets de chips.
Mais petit à petit, la fermeture éclair s’est tout de même imposée, en partie parce qu’elle a été adoptée par l’armée américaine. Et aujourd’hui il s’en vend des milliards. Une bonne partie est fabriquée par une seule entreprise japonaise qui détient 40% du marché, et qui s’appelle YKK. Il y a donc de fortes chances que le vêtement que vous portez aujourd’hui ait une fermeture éclair YKK. Je vous laisse vérifier."