Le juge niçois qui a relancé l'enquête sur le mystérieux accident du vol Air France Ajaccio-Nice qui a fait 95 morts il y a 50 ans a officiellement requis une levée du secret défense, ont annoncé jeudi l'association des familles des victimes et leur avocat. L'association soupçonne l'armée d'avoir procédé le jour de l'accident à des manœuvres, au cours desquelles un missile aurait touché par erreur la Caravelle et a fait rouvrir le dossier en portant plainte en 2012 pour "soustraction et recel de preuves".
La thèse officielle remise en question. Cette nouvelle information judiciaire a conduit les gendarmes enquêteurs à chercher à en savoir plus sur les opérations de tirs de l'époque, et dans leur rapport en juillet 2017, ils ont relevé des éléments paraissant ne pas coller avec la thèse officielle, celle d'un feu d'origine indéterminée. "La requête a été envoyée à Monsieur le Premier ministre Edouard Philippe par le doyen des juges Alain Chemama avec un dossier très complet. Le travail que nous avons effectué inlassablement pendant ces nombreuses années de recherches a enfin donné un premier résultat", a indiqué le président de l'association, Mathieu Paoli, 73 ans, qui a perdu ses deux parents dans la catastrophe.
La réponse d'Emmanuel Macron."C'est une très bonne nouvelle", a salué Mathieu Paoli, qui a bon espoir que le dossier avance après des assurances reçues de l'Elysée. "Il m'apparaît évident que tous les moyens doivent être mis en oeuvre pour comprendre les causes de ce drame et qu'aucun obstacle ne devra être opposé à l'établissement de la vérité", lui avait écrit en novembre Emmanuel Macron dans un courrier. Pour accéder à des documents secret défense, le juge d'instruction doit solliciter le gouvernement, qui saisit alors la Commission du secret de la défense nationale en lui adressant les pièces concernées. Cette commission, dont les avis sont généralement suivis, a deux mois pour se prononcer.
"L'honneur de la France". Le vol AF 1611, qui devait relier Ajaccio-Nice en 45 minutes, s'était abîmé au large d'Antibes le 11 septembre 1968. Après la catastrophe, une enquête pour "homicide involontaire" avait été confiée à la police aux frontières qui dépendait à l'époque des renseignements généraux, rappelle Me Paul Sollacaro. Elle avait débouché sur une ordonnance de non-lieu le 26 juin 1973. Les faits avait été prescrits en 1976. "La requête porte sur une quantité considérable de documents classifiés dont certains concernent des exercices militaires dans la zone et des démarches entreprises par des services militaires ou services de l'Etat, comme les renseignements généraux, dont on pense qu'elles avaient pour but de faire passer le crash pour un banal accident", explique Me Sollacaro. "On est dans des pratiques de l'ancien monde. C'est l'honneur de la France de mettre fin à ce traumatisme et de dire ce qui s'est passé".