Féminicides : "Alexia, c'est un prénom parmi toutes les autres victimes"

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A.H. , modifié à
La journaliste Titiou Lecoq, qui recense depuis l'an dernier les meurtres de femmes par leurs conjoints ou ex-conjoints, appelle les médias à revoir leur manière de traiter ce phénomène de société.
INTERVIEW

110 à 120 femmes meurent chaque année, victimes de leurs conjoints ou ex-conjoints. Dans deux tiers des cas, aucune violence précédant ces meurtres n'avait été signalée. Depuis l'an dernier, la journaliste Titou Lecoq recense méthodiquement pour le site Internet de Libération ces meurtres de femmes, pour susciter dans l'opinion publique une réelle prise de conscience quant à leur terrible récurrence.

Des "féminicides", pas de simples faits divers. Ces meurtres, elle les qualifie volontairement de "féminicides", pour mettre en évidence "un phénomène de société". "'Féminicide' n'est pas un terme juridique. Mais dans le traitement journalistique, ce terme permet de mettre en valeur le fait qu'il y a un point commun entre toutes ces histoires. Ce ne sont pas des faits divers. Quand on fait toute la liste, on retrouve des hommes qui considèrent que ces femmes leur appartiennent, et qu'ils ont une espèce de droit de vie et de mort sur elle. Le terme 'féminicide' rappelle un rapport de domination entre les hommes et les femmes, dans sa forme la plus extrême", fait valoir Titiou Lecoq dans la Matinale d'Europe 1 mercredi matin.

"Alexia, un prénom parmi tant d'autres". Après les aveux de Jonathann Daval, mardi soir, le nom d'Alexia Daval fait désormais partie de cette longue et glaçante nécrologie de meurtres conjugaux. Si elle se satisfait de voir que l'affaire a fait l'ouverture de tous les journaux télévisés, Titiou Lecoq tient à souligner qu'"Alexia, c'est un prénom parmi tous les autres". "Depuis le 1er janvier, il y en a eu d'autres. Hier, on a trouvé le corps d'une femme dans une maison en feu, elle a été poignardée, et a priori il s'agit aussi d'un homicide conjugal. Dans deux jours, il y en aura une autre", déplore-t-elle.

Un vocabulaire médiatique à revoir. La journaliste appelle aujourd'hui ses confrères et consœurs à veiller au traitement médiatique qu'ils réservent à ces "féminicides". Mardi soir, en attendant la défense de l'avocat de Jonathann Daval, qui indiquait qu'Alexia avait été étranglée "par accident", reprise parfois sans nuance par les médias, Titiou Lecoq avoue avoir été "folle de rage". "On n'en parle pas bien dans les médias. Ça n'est pas un drame, ça n'est pas un accident. C'est un crime, c'est un meurtre. Ce n'est pas passionnel", martèle-t-elle, estimant qu''il y a tout un vocabulaire à revoir".

Titiou Lecoq espère maintenant que le meurtre d'Alexia Daval fera jurisprudence, et que les médias seront à l'avenir plus vigilants. "Faire l'ouverture du 20H sur ce sujet, c'était très bien. Mais c'était l'occasion de parler du phénomène en général, et ça, on l'a complètement raté".