"Gilets jaunes, colère noire", "Jupiter, redescends sur terre, c'est la misère" : les slogans étaient affichés sur les fameux "gilets jaunes", aux quatre coins de la France, samedi. Des centaines de milliers de personnes ont protesté sur tout le territoire contre la hausse des taxes sur le carburant et la baisse du pouvoir d'achat, au sein de rassemblements parfois tendus, qui ont occasionné des accidents. Si ces manifestants n'ont pas réussi à bloquer le pays comme ils le souhaitaient, leur mouvement a touché toutes les régions et même l'outre-mer, avec des blocages à La Réunion.
Plus de 282.000 participants
Selon un bilan fourni par le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner vers 19 heures, 282.700 participants au mouvement ont été recensés au "pic" de la mobilisation, en fin d'après-midi. Plus de 2.000 points de blocages ont été comptabilisés sur le territoire, mais ceux-ci s'inscrivaient sur une échelle très étendue, allant de quelques personnes à quelques milliers de personnes. Ils visaient des péages, des supermarchés, des stations service et des axes routiers. En début de soirée, 200 points de blocage n'avaient pas encore été levés. Des manifestants ont annoncé qu'ils comptaient camper et passer la nuit sur leurs barrages et certains souhaitaient poursuivre le mouvement dimanche.
"On peut dire que c'est important, c'est un succès de participation", a commenté auprès de l'AFP le politologue Jean-Marie Pernot, chercheur à l'Institut de recherches économiques et sociales. "Par rapport aux mobilisations des syndicats, c'est tout de même un mouvement organisé à partir de rien du tout: il n'y a pas de structure préexistante, pas d'organisateurs", a souligné l'expert, jugeant que le mouvement risquait pour cette raison de rencontrer "un problème de durabilité".
Des incidents, un mort et près de 300 blessés
Au Pont-de-Beauvoisin, en Isère, une conductrice qui emmenait sa fille chez le médecin a été prise de panique quand les manifestants se sont mis à taper sur sa voiture. Elle a foncé alors sur eux, percutant mortellement une femme de 63 ans. Cette manifestation, comme de nombreuses autres, n'était pas déclarée. "J'en appelle à la responsabilité de ceux qui organisent ces manifestations. Ils ont porté un message. Il est entendu", a déclaré le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner.
D'autres incidents ont éclaté partout sur le territoire. À Quimper, dans le Finistère, un véhicule de manifestants a volontairement heurté deux policiers qui ont été blessés. Un fonctionnaire a également été hospitalisé après avoir été percuté par un véhicule à Strasbourg. Au total, 227 personnes ont été blessées dont six gravement. Ce bilan comprend une dizaine de membres des forces de l'ordre. Selon le ministère de l'Intérieur, 117 personnes ont été interpellées et 73 placées en garde à vue.
Une présence politique modérée
L'exécutif avait mis en garde contre la récupération politique de ce mouvement de protestation, qui se veut apolitique et asyndical. Dans l'opposition, certains sont descendus dans la rue, comme Laurent Wauquiez, le chef de LR, qui a appelé Macron à comprendre et "corriger ses erreurs". Des élus du Rassemblement national étaient également présents aux côtés des "gilets jaunes", mais pas Marine Le Pen. Des Insoumis participaient aussi aux manifestations. Leur leader Jean-Luc Mélenchon a critiqué sur Twitter une "manipulation des chiffres de participation" et une "dramatisation" de la part du gouvernement. Il s'est rendu place de la Concorde, mais sans gilet jaune sur le dos.
A l'instar des députés Gilbert Collard et Eric Coquerel ou du président du mouvement Debout la France, Nicolas Dupont-Aignan, d'autres responsables politiques ont eux choisi de soutenir publiquement le mouvement sans y participer, afin d'éviter les accusations de récupération.