Abattoirs incendiés, boucheries vandalisées, happenings... Depuis quelques mois, des militants extrémistes de la cause animale se font entendre dans la sphère publique par des actions choc. Mais qui sont ceux prêts à braver la loi pour défendre les animaux ? Europe 1 est parti à la rencontre des antispécistes pour mieux comprendre qui ils sont et quelles sont leurs revendications.
La base de l'antispécisme est simple : pour ses militants, l'animal est l'égal de l'homme. Ils refusent donc la logique selon laquelle les animaux servent à nourrir des hommes. Dès lors, ils considèrent le spéciste comme un raciste qui place l'homme au-dessus de l'animal. Et ils n'hésitent pas à développer leur pensée, quitte à choquer. C'est le cas de Solveig Halloin, porte-parole de "Boucherie Abolition", un collectif créé à Toulouse qui a revendiqué plusieurs actions contre l'INRA [l'Institut national de la recherche agronomique, ndlr] et contre des boucheries partout en France. Elle dénonce au micro d'Europe 1 la "dictature spéciste en place" et s'insurge contre "ceux qui coupent les queues, brûlent les becs, coupent les ailes, enferment, empoissonnent, désenfantent".
"Elle est là, la violence, elle a lieu dans tous les élevages du monde", poursuit-elle, considérant les bouchers comme "les vandales du corps animal". "Leurs outils de travail, ce sont des individus, ce sont des personnes, ce sont les autres animaux. Quand on réalise ce que c’est, on ne peut pas faire autre chose que d’employer chaque seconde de sa vie à lutter contre ça", lance encore la militante.
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Tant pis, donc, si leurs propos choquent. C'est le but. "Que les gens parlent de nous en bien ou en mal, peu importe. L'essentiel, c'est qu'ils parlent de nous quand même", explique Bettina, une autre militante antispéciste, qui compare leur action à celle des Suffragettes, les militantes pour le droit de vote des femmes au début du XXème siècle. "Elles aussi, en quelques mois, elles ont réussi à faire rentrer dans la sphère politique la question du droit de vote des femmes, ce que les militantes qui les avaient précédées n’avaient jamais réussi à faire en quarante ans de militantisme traditionnel".
Campant fermement sur leur position, les antispécistes rencontrés par Europe 1 avancent droit dans leur botte. "Rentrez avec nous dans les camps de la mort", invite Solveig Halloin. Dans les abattoirs, les animaux "sont en train d’agoniser". "La condition animale actuelle est un éternel Treblinka [camp d'extermination nazi, ndlr], un Treblinka côté en Bourse! Et qu’on ne nous demande pas de protester sur un ton neutre et calme : comment être calme face à l’Holocauste ?", s'interroge-t-elle.
Les mots et les comparaisons utilisés par Solveig Halloin font partie du champ lexical des organisations antispécistes et sont assumés. Bien consciente que ses actions peuvent la mener devant les tribunaux, elle assure être prête à en payer le prix si cela permet d'imposer une interdiction de l'élevage et de parvenir à une société où les espèces seraient égales. Le vocabulaire choc est aussi utilisé pour les actions menées par ces groupes : ainsi une manifestation coup de poing est appelée "L'Action directe", du nom d'un groupe terroriste issue de la lutte anti-franquiste.
"Des radicalisés à la recherche d’une cause à défendre"
Les antispécistes sont cependant loin de faire l'unanimité. "Quand on va dans leurs réunions, ce sont des gens urbains qui connaissent peu l’animal, quasiment rien à l’élevage", explique Hervé Le Prince, expert en communication de crise. Il observe de très près cette mouvance qu'il qualifie clairement d'anticapitaliste. "Ils sont ce qu’on appelait à un moment des profils altermondialistes, qui sont ensuite devenus plutôt anticapitalistes, comme les black blocks", explique-t-il, avant de conclure : "Ce sont des radicalisés qui sont à la recherche d’une cause à défendre", décrypte-t-il.
"Ils communiquent via les réseaux sociaux et font monter l’indignation avec des happening urbains qui choquent. Et quand elle est à son comble, ils font passer les adhérents à la caisse", analyse Hervé Le Prince. "Ce qu'ils veulent ensuite, c'est passer à une influence économique et politique", conclut l'expert. Un objectif qu'ils sont sur le point d'atteindre, puisqu'ils ont réussi à éteindre la voix des vegans "classiques", qui aspirent seulement à manger aucun produit issu de la culture animale. Aujourd'hui, ces vegans sont associés, malgré eux, à des actes de vandalisme et leur discours, beaucoup plus modéré, est totalement brouillé.