Manger les restes de son repas du restaurant chez soi : c’est une nouvelle habitude qu’il faudra peut-être bientôt adopter. Les députés de la commission du Développement durable ont adopté mardi un amendement visant à obliger les restaurateurs à proposer aux clients qui ne finiraient pas leur assiette d’emporter les restes dans un doggy bag. Une pratique qui existe déjà sur la base du volontariat mais qui peine à s’imposer.
Courant à l'étranger, moins en France. Le doggy bag est une pratique courante à l’étranger. Le principe est simple : si jamais vous n’arrivez pas à finir votre plat, vous pouvez demander au serveur de vous emballer les restes dans une petite boîte hermétique. Pratique et économique, le doggy bag est ancré dans les mœurs aux États-Unis et en Asie depuis de nombreuses années. En France, il peine toutefois à se faire une place sur la table.
En 2016, la loi sur le gaspillage alimentaire avait pourtant incité les restaurants à réviser leur politique de tri sélectif et limiter les restes jetés à la poubelle. Elle mentionnait notamment le doggy bag mais sans obligation, simplement sous la forme d’un conseil. Sur la simple base du volontariat, la pratique a eu beaucoup de mal à se généraliser, pour plusieurs raisons.
Un gaspillage qui pèse lourd. La première est culturelle : au pays de la gastronomie, demander ses restes dans un "sac à toutou" ne passe pas toujours. "C’est vrai qu’il y a en France un frein psychologique mais c’est aussi parce que les consommateurs n’osent pas en faire la demande de peur de se faire objecter un refus", assure au ParisienBérangère Abba, députée LREM auteur de l’amendement. L’autre raison est économique : les restaurateurs peuvent facturer le prix de la boîte aux clients, un surcoût minime mais qui peut finir d’en décourager certains.
"Le but est de généraliser une pratique existante et de réduire par deux le gaspillage alimentaire d'ici 2025", expliquent les députés de la commission du Développement durable. Il y a en effet de la marge : la nourriture jetée au restaurant pèse 14% du total du gaspillage alimentaire en France. En moyenne, les Français laissent de côté 157 grammes dans les bistrots et autres restaurants étoilés, cinq fois plus qu’à la maison.
Une pratique encore pas totalement acceptée. Imposer le doggy bag pour réduire le gaspillage alimentaire : sur le papier, l’idée est séduisante. Mais l’application s’annonce plus compliquée. En effet, les restaurateurs n’accrochent pas vraiment au prince d’obligation. "Ce n'est pas très judicieux de vouloir contraindre de manière réglementaire l'ensemble de la profession à acheter des doggy bag, d'autant que c'est une pratique anglo-saxonne qui n'est pas vraiment dans la culture française", affirme au Parisien Hubert Jan le président de la branche restauration au sein de l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (UMIH).
Mais même au sein de l’organisation professionnelle, d’autres voix se font entendre. "C’est une très bonne chose", se réjouit Jean-Philippe Deschamps, président de la branche restauration au sein de l’UMIH de la Haute-Garonne (UMIH), interrogé par La Dépêche. Selon lui, le doggy bag est voué à se développer, à condition que les restaurateurs fassent leur part : "Il y a dix ans, aucun client ne demandait à ramener son repas chez lui. Aujourd’hui, environ six clients sur dix le font lorsque nous leur proposons. Les gens sont plus sensibles au gaspillage et au prix des choses".
Les scissions des restaurateurs se retrouvent chez les consommateurs. En 2014, avant la loi anti-gaspillage, 28% des Français disaient avoir recours occasionnellement ou régulièrement au doggy bag, selon un sondage YouGov. Une part restreinte bien que 90% pensent que c’est une pratique qui permettrait de lutter efficacement contre le gaspillage alimentaire. Là encore, on retrouve les raisons culturelles : 15% trouvent que "ça fait radin" et 24% sont gênés de le demander.
Pas pour demain. Quoi qu’il en soit, avant que le doggy bag ne devienne une réalité pour tous les Français, le chemin est encore long. L'amendement de la commission du Développement durable doit encore être validé par la commission économique de l'Assemblée puis être adopté par l'ensemble des députés pour être inscrit dans la loi.