L'attaque au cocktail Molotov de quatre policiers à Viry-Châtillon en octobre avait provoqué une vague de contestations sans précédent de la part des policiers. Pour répondre à leurs revendications, un projet de loi assouplissant les règles concernant l'usage de leur arme a été voté au Sénat en janvier dernier. Mais ce ne sont pas les seules mesures prévues pour protéger les forces de l'ordre.
Mesure principale : l’assouplissement du recours à la légitime défense. Les policiers nationaux, contrairement à leurs collègues municipaux, ont une arme et sont formés pour l'utiliser. Et pourtant, ils sont soumis aux mêmes règles que les simples citoyens quand il s'agit de s'en servir. La légitime défense ne peut être invoquée que si "pour interrompre l'exécution d'un crime ou d'un délit contre un bien, [une personne] accomplit un acte de défense, autre qu'un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l'infraction", soit l’article 122-5 du Code Pénal. Une disposition contre laquelle les policiers s’opposent depuis longtemps.
Le projet de loi prévoit donc un alignement des règles sur celles des gendarmes. Par leur statut militaire, ils sont, pour l’instant, les seuls habilités à faire feu lorsqu'ils sont agressés ou menacés par des individus armés, pour "défendre" une zone qu'ils occupent, si des sommations répétées restent sans effet, ou pour immobiliser des véhicules. Si le projet de loi est adoptée, les policiers pourront, eux aussi, utiliser leur arme "après deux sommations" pour "arrêter des personnes qui cherchent à échapper à leur garde et sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à celles d'autrui".
Une disposition qui introduit encore du flou pour les policiers confrontés à ce type de situation. "Doit-on prendre en compte uniquement l'instant T ou peut-on prendre en compte l'environnement en amont pour décider si l'on peut tirer ou non ?", s'interroge Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat Unité SGP Police (FO), contacté par Europe 1. "Pendant des années, les policiers ont été formés à ne pas se servir de leur arme. Et là [dans ces situations de fuite], ils vont se poser trop de questions."
Des peines plus lourdes en cas d’outrage aux forces de l’ordre. L’objectif du texte est d'offrir une meilleure reconnaissance de leur travail aux policiers. Car ils dénoncent des conditions de travail de plus en plus dégradées, comme l’ont montré les slogans scandés pendant les diverses manifestations qui ont fait suite à l'attaque de Viry-Châtillon : "Nos vies comptent", "Policiers attaqués, citoyens en danger."
Et cela passe par un durcissement des peines encourues en cas d’outrage aux forces de l’ordre qui seront alignées sur celles des outrages à magistrats. "Il n'est en effet pas justifié de distinguer entre ces comportements, qui sont de gravité similaire", mentionne le projet de loi. Le texte prévoit donc de passer de six mois à un an d’emprisonnement et de 7.500 à 15.000 euros d'amende. Ces peines seront même portées à deux ans et 30.000 euros d'amende lorsque les faits seront commis en réunion.
Le Sénat est allé encore plus loin en étendant ces peines aux faits de rébellion et de refus d’obtempérer. Une mesure positive selon le secrétaire général d'Unité SGP Police mais seulement s'il y a "une réelle application de la loi."
La vie privée des enquêteurs mieux protégés. Manifestants et syndicats militaient également pour garantir l'anonymat aux enquêteurs, comme c'est déjà le cas dans les dossiers antiterroristes. Les agents chargés d'une enquête criminelle pourront signer avec leur seul matricule dans les actes de procédure portant sur un crime ou délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement.
Cette disposition a été demandée dès le soir du double meurtre de Magnanville. Un commandant de police adjoint et sa compagne, employée administrative de la police, ont été tués à leur domicile en juin dernier. Outre l'horreur de l'attaque perpétrée au couteau, le fait que le terroriste ait pu se procurer l'adresse du couple avait provoqué une vague d'inquiétude auprès des policiers qui ne se sentaient plus en sécurité même lorsqu'ils n'étaient pas en service. "J'ai peur qu'un déséquilibré comme ça se pointe à l'école de ma fille et fasse un carnage", avait déclaré un policier de la Bac sur Europe 1 au moment des faits.
"Il faudrait que cette procédure d'anonymisation soit automatique, aussi bien pour les enquêteurs que les agents interpellateurs", affirme Yves Lefebvre. Car tous les crimes ou délits que les enquêteurs vont découvrir au cours de l'audition du suspect ne sont pas forcément connus dès l'ouverture du dossier. "Ça veut dire qu'en cours de route, le policier ne va plus mettre son nom dans le dossier mais son matricule ? C'est du grand n'importe quoi", conclut-il.