La plupart des agriculteurs vendent en-dessous de leurs coûts de production, en particulier les producteurs de viande bovine. C'est le constat alarmant que dresse l'Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires (OFPM). Son président Philippe Chalmin, invité de la Matinale d'Europe 1 lundi, s'avoue sceptique quant à l'efficience du projet de loi agriculture et alimentation, qui passe entre les mains des sénateurs mardi.
De la viande issue de troupeaux laitiers. "Il ne faut pas se faire d'illusion, ça ne changera pas la face du monde", considère Philippe Chalmin, également professeur d'économie à Paris-Dauphine. Il explique : "Le cas de la viande bovine est tout à fait particulier. Quand vous mangez un bifteck, vous mangez dans au moins la moitié des cas de la viande venant d'un troupeau laitier, où la viande est donc en quelque sorte le sous-produit du lait. L'autre moitié, ce sont les races à viande : les charolaises, les limousines, les blondes d'Aquitaine… Depuis que l'Observatoire existe, il y a huit ans, jamais les producteurs de ces races allaitantes n'ont couvert la réalité de leurs coûts de production".
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Des marchés "totalement instables". Un constat d'autant plus alarmant que le contexte a changé. "Nous sommes sortis de la politique agricole commune dans laquelle les prix étaient déterminés à Bruxelles. Elle garantissait des prix administrés, politiques, mais qui étaient relativement rémunérateurs pour les producteurs. Aujourd'hui, cette époque est terminée, nous sommes sur des marchés totalement instables", déplore Philippe Chalmin.
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Une éclaircie permise par Donald Trump ? Si les éleveurs de races bovines ne peuvent espérer de grands changements pour leur rémunération grâce au projet de loi porté par le ministre de l'Agriculture Stéphane Travers, selon Philippe Chalmin, d'autres voies peuvent se révéler fructueuses… bien qu'étonnantes. Pour le président de l'OFPM, une partie de la solution pourrait découler de la guerre commerciale initiée par Donald Trump avec le reste du monde. "Les Etats-Unis avaient obtenu l'ouverture du marché chinois, celui-ci va se refermer", prédit-il. Cette fermeture coïncide avec la visite d'Edouard Philippe à Pékin "pour essayer de négocier l'ouverture du marché chinois pour la viande bovine européenne et française. Cela peut permettre un léger rebond du marché", escompte-t-il.
Avant de conclure : "Structurellement, ce dont on a besoin c'est de gagner suffisamment de débouchées pour rééquilibrer un marché qui, pour l'instant, subit les aléas du secteur laitier".