Une vingtaine d'associations emmenés par l'Unicef ont saisi jeudi le Conseil d'Etat contre le très controversé fichier des mineurs isolés étrangers, qu'elles accusent de servir la lutte contre l'immigration irrégulière au détriment de la protection de l'enfance. Ces 19 requérants ont déposé un référé et une requête en annulation contre le décret du 31 janvier créant ce fichier biométrique. Une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) vise également l'article de la loi Asile-immigration introduisant cette disposition.
L'objectif est d'"obtenir rapidement la suspension de ce texte et à terme, son annulation", expliquent dans un communiqué ces associations, parmi lesquels l'Armée du salut, Médecins du monde, la Cimade et la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS, qui revendique 850 associations).
Pour les associations, une "grave atteinte aux droits de l'enfant". Ce fichier vise à compiler les évaluations de l'âge des mineurs non accompagnés (MNA) réalisées dans divers départements, pour constituer une banque de données unique. A cette fin les départements, qui sont chargés en France de la protection de l'enfance, pourront envoyer les jeunes en préfecture pour que leurs empreintes soient prises et leur identité relevée.
Mais pour les associations, une procédure de ce type porte "gravement atteinte aux droits de l'enfant" en organisant un "fichage de mineurs à d'autres fins que celles liées à leur protection" et en permettant aux préfectures "d'éloigner des jeunes sans que le juge des enfants ait pu statuer sur leur situation", explique le communiqué. Les personnes évaluées majeures verront en effet leurs données reversées au fichier des étrangers majeurs, qui sont expulsables s'ils se trouvent en situation irrégulière. Les associations redoutent que cet éloignement n'intervienne avant la saisine du juge - étape au cours de laquelle "il n'est pas rare" que la minorité "soit finalement établie".
Un décret critiqué dès sa création. Ce décret s'est attiré, dès sa genèse, les critiques du Défenseur des droits, des ONG ainsi que de plusieurs députés en Marche. Paris et la Seine-saint-Denis ont d'ores et déjà annoncé qu'ils ne l'appliqueraient pas. Les mineurs non-accompagnés, longtemps hors des radars des questions migratoires, ont vu leur nombre tripler en deux ans pour s'établir à 40.000 selon l'assemblée des départements de France (ADF), pour un coût de prise en charge de 2 milliards d'euros (des chiffres que les associations jugent surévalués).
L'attention avait commencé à se porter sur ces jeunes au moment de la "Jungle" de Calais, vaste bidonville où 1.500 mineurs non-accompagnés avaient été pris en charge lors du démantèlement en octobre 2016. Jeudi, la Cour européenne des Droits de l'Homme a condamné la France pour "traitement dégradant" d'un Afghan de douze ans qui vivait sur ce campement.