Avancer d'une heure en été, reculer d'une heure en hiver… Deux fois par an, le même débat revient sur la table, et les mêmes pétitions circulent pour demander la fin du changement d'heure, mis en place depuis 1976 en France. Plus de quarante ans après, faut-il, oui ou non, revenir sur cette décision ? Avant de trancher, la Commission Européenne a lancé, jusqu'au 16 août, une grande consultation sur Internet, sous la forme d'un questionnaire dans lequel chacun peut donner son avis (accessible ici).
Objectif : "recueillir les points de vue des citoyens européens, des parties prenantes et des États membres ", alors que les députés européens avaient voté, en février dernier et par 384 voix contre 153, en faveur d'une "évaluation complète" du système actuel et éventuellement d'une "proposition de révision".
Cinq questions pour donner son avis. Accessible dans toutes les langues officielles de l'Union européenne, sauf l'Irlandais, la consultation dure à peine quelques secondes. Après avoir renseigné votre identité, on vous demande de noter votre expérience du changement d’heure sur une échelle allant de "très positive" à "très négative" en passant par "sans avis". Que vous soyez pour ou contre le fait de régler vos horloges, vous pouvez aussi en indiquer les raisons : économie d’énergie, santé, loisirs en soirée, sécurité routière, fonctionnement du marché intérieur, etc.
Une autre échelle permet également d'évaluer l'importance pour vous de conserver ou de supprimer ce changement d'heure. Puis vient la dernière question de cette consultation : "Si le changement d'heure devait être supprimé, vous souhaiteriez rester à l'heure d'été de façon permanente ou à l'heure d'hiver de façon permanente ?"
Permettre aux dirigeants de se faire une idée. Pour que la résolution devienne applicable, l'accord de chaque dirigeant des 28 États membres sera néanmoins nécessaire. Le but de cette consultation est donc de leur permettre de se faire une idée de la volonté de leurs habitants.
Pour l'eurodéputée Karima Delli, ce système du changement d'heure est tout simplement devenu "obsolète". Si la disposition avait été mise en place à l'époque pour profiter plus longtemps de la lumière naturelle, et donc faire des économies d'énergie, l'heure d'été ne donne plus de résultats "probants", assure l'écologiste.
Quels gains en matière de dépense énergétique ? En France, cela représenterait une économie annuelle de 0,1% - et de 0,5% en Europe -, selon les modélisations effectuées par l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) en 2010. "De ces économies, il faut déduire la consommation accrue d'énergie due au chauffage le matin au moment du changement horaire et la consommation de carburant supplémentaire engendrée par l'augmentation possible du trafic le soir quand il fait plus clair", précisait déjà la Commission européenne en 2007.
Des répercussions sur la santé. Autre argument : "cela bouleverse l'horloge interne et provoque des troubles du sommeil, entre agitations nocturnes et insomnies", poursuit Karima Delli sur Europe 1. Les personnes âgées et les enfants seraient ainsi les plus affectés, selon plusieurs études. En étudiant 3.033 patients hospitalisés durant la semaine suivant un changement d'heure, des chercheurs finlandais de l’université de Turku ont par ailleurs découvert un taux d’accidents vasculaires cérébraux (AVC) ischémique en hausse de 8% par rapport aux quelque 11.000 patients hospitalisés deux semaines avant, sur la période 2004-2013.
Mais "les éléments de preuve concernant les effets globaux sur la santé ne sont pas concluants", nuance la Commission, qui note même quelques effets positifs, les longues soirées d'été favorisant notamment les activités de plein air comme le sport.
Pour les mêmes raisons que les humains, les vaches laitières, par exemple, peuvent parfois être incommodées. Mais un rapport du Service de recherche du Parlement européen constate que les agriculteurs et les éleveurs ne considèrent plus vraiment qu'il s'agit d'un réel problème.
L'enjeu de la sécurité. Et Karima Delli de citer les risques accrus en matière d'accidents de la route lors du passage à l'heure d'hiver. La Sécurité routière française avait d'ailleurs organisé une campagne de sensibilisation à ce sujet en 2016. "Chaque année, les jours suivant le changement d'heure enregistrent un pic d'accidentalité de +40 % pour les piétons en fin de journée", alertait la campagne. La faute à cette période où la lumière décline, qui se situe entre 17 heures et 19 heures en hiver - de 22 à 23 heures en été -, autrement dit lorsque le trafic coïncide avec les sorties du travail ou de l'école. Là encore, "les éléments de preuve ne sont pas concluants", tempère la Commission sur son site.
Enfin, un article paru dans The Review of Economics and Statistics pointe une diminution de 7% des vols à l'étalage aux États-Unis dans les premières semaines qui suivent le passage à l'heure d'été, ces délits étant commis davantage une fois le soleil couché. Reste que le résultat est difficilement généralisable à d'autres pays ou à d'autres crimes.
"En l'absence d'étude d'impact poussée", cet abandon du changement d'heure serait "ridicule", a ainsi fustigé l'eurodéputé français Renaud Muselier (LR), en février dernier devant le Parlement.
Les Français plutôt pour la suppression du changement d'heure
Selon un sondage Ooreka-OpinionWay publié en 2015, 52% des Français souhaiteraient la fin du changement d'heure. Entre l'heure d'été et celle d'hiver, s'il fallait choisir, 76% des Français souhaiteraient rester à l'heure d'été selon cette même étude.
Un autre sondage BVA pour Orange et iTélé (aujourd'hui CNews) réalisé cette même année 2015 établissait pour sa part que 58% de Français étaient opposés au changement d’heure, quand 40% y étaient favorables.
Ces pays favorables à la suppression du changement d'heure. En 2016, la Hongrie a en tout cas fait part de sa volonté de supprimer le passage à l'heure d'hiver pour éviter les couchers de soleil précoces. La même année, la Turquie (pays non-membre de l'UE) avait choisi de rester toute l'année à l'heure d'été. En Russie (non-membre de l'UE), Vladimir Poutine a pour sa part signé, en juillet 2014, le passage définitif à l'heure d'hiver.
En cas de maintien comme en cas de suppression du changement d'heure, la Commission note toutefois qu'il est "essentiel de maintenir un régime horaire unifié au sein de l’UE". Une décision contraire "porterait préjudice au marché intérieur en entraînant une hausse des coûts des échanges transfrontières, des désagréments dans l’organisation des transports, des communications et des voyages, ainsi qu’une baisse de la productivité dans le marché intérieur des biens et des services".