Sur les photos des rassemblements de soutien à la famille d'Alexia Daval, il semble toujours au bord des larmes. Le visage déformé de douleur, le corps secoué par les sanglots. "Nous savions puiser dans nos regards, dans nos échanges, l'énergie nécessaire pour aller plus loin ensemble. Cette plénitude me manquera terriblement", déclarait Jonathann Daval lors d'une marche blanche en mémoire de sa femme. Trois mois plus tard, presque jour pour jour, l'époux de la joggeuse assassinée fin octobre est pourtant passé du statut de victime à celui de suspect, lundi. Désigné par un faisceau de présomptions, il a fini par avouer les faits mardi, lors de sa garde-à-vue.
"Il a dit que c'était un accident, qu'il ne voulait pas et il regrette", ont indiqué à l'AFP ses avocats Mes Ornella Spatafora et Randall Schwerdorffer. "Il l'a étranglée", a ensuite détaillé devant la presse Me Schwerdorffer, assurant que son client n'avait "pas été dans une logique criminelle" et "n'avait impliqué personne d'autre".
"D'une gentillesse, vous n'imaginez même pas". Issu d'une famille nombreuse, Jonathann Daval est un enfant du pays de Gray-la-ville, en Haute-Saône. "C'est un garçon taiseux, très timide mais gentil", témoigne un proche interrogé par l'Est Républicain. Sportif, ancien footballeur, il a fait la connaissance d'Alexia dans la région, il y a une quinzaine d'années, selon la chronologie retracée par le même quotidien. Le couple partageait sa passion pour la course à pieds et avait pour habitude de faire de longs footings le week-end. "Alexia n'a jamais laissé transparaître qu'elle était malheureuse", glisse un membre de sa famille.
Diplômé d'un BTS, Jonathann Daval travaille comme technicien de maintenance dans la même entreprise de conseil en informatique depuis une dizaine d'années. "On sait qu'il est incapable d'une telle chose. C'est quelqu'un d'une gentillesse, vous n'imaginez même pas", témoigne son patron auprès du Parisien. "Le matin de la disparition, Jonathan ne travaillait pas mais il avait promis d'aller dépanner un de ses voisins. Il est venu chercher une imprimante, tout sourire, et il a même plaisanté en disant que ça lui ferait un apéro gratuit ! Vous croyez vraiment que c'est le comportement de quelqu'un qui vient de tuer sa femme ?"
Un gendre "aimé comme un fils". Depuis le meurtre de sa femme, le trentenaire aux yeux clairs et cheveux en brosse a passé le plus clair de son temps avec ses beaux-parents et sa belle-soeur, réclamant la "vérité" sur cette affaire. "À ce stade, mes clients ne veulent toujours pas y croire", estime l'avocat des parents d'Alexia, Jean-Marc Forland, dans l'Est Républicain. "Ils ne peuvent pas imaginer que l'homme qu'ils ont connu, ce gendre qu'ils ont aimé et continuent à aimer comme un fils, avec lequel ils vivent depuis trois mois maintenant, qui est constamment chez eux, puisse être l'auteur de ce crime abominable." Selon le conseil, ses clients décrivent un garçon "calme, un peu effacé". Et de souligner : "jamais les adjectifs de colérique, impulsif, violent n'apparaissent dans ce dossier."
De proche en proche, l'hypothèse d'une dispute conjugale qui aurait mal tourné est pourtant clairement privilégiée par les enquêteurs. Selon plusieurs sources concordantes, Alexia et Jonathann Daval, qui cherchaient en vain à avoir un enfant, connaissaient une période de tension. Lors de sa première audition en tant que témoin, l'époux a d'ailleurs reconnu s'être disputé avec sa femme le 27 octobre au soir, en rentrant d'une raclette chez ses beaux-parents. Un violent accrochage, comme en témoignent alors des marques de griffures et de morsures sur ses bras.
Un faisceau d'éléments matériels. Le lendemain, le trentenaire a signalé la disparition de son épouse vers midi, expliquant qu'elle n'était jamais rentrée de son jogging. Mais personne n'a jamais vu Alexia Daval courir ce jour-là. Un voisin a en revanche entendu un véhicule quitter le domicile du couple dans la nuit du 27 au 28. Et des traces de pneus correspondant à la voiture professionnelle de Jonathann ont été retrouvées près du corps de la victime, découvert calciné deux jours plus tard, dissimulé sous des branchages dans un bois voisin.
Placé face à ces contradictions en garde à vue, le principal suspect a à nouveau affirmé s'être couché aux côtés de sa femme le 27 octobre au soir. L'informaticien n'a pour l'instant pas apporté "de réponse sur le déplacement de son véhicule professionnel", a indiqué l'un de ses conseils. À Gray, "on tomberait de très, très haut" en cas d'aveux, lâchait en tout cas une habitante interrogée par Europe 1 mardi matin. "C'est quand même son mari, il l'a soit-disant aimée." Les aveux ont fini par arriver.