Malgré les démentis, la rumeur continuait de circuler sur les réseaux sociaux. Elle soutenait qu'un étudiant ou un migrant avait été gravement blessé à la tête, voire plongé dans le coma, après une chute lors de l'évacuation de l'université de Tolbiac, à Paris, vendredi matin. Et qu'un mensonge d'État s'était rapidement mis en place pour étouffer l'affaire, avec même des traces de sang qui auraient été effacées.
Une rumeur persistante malgré la musique. Plusieurs médias, parmi lesquels le journal en ligne Reporterre, et le site d'extrême-gauche Le Média, ont publié des articles reprenant cette rumeur, l'accréditant par plusieurs témoignages d'étudiants. Pourtant, vendredi, la Préfecture de police avait déjà assuré dans un communiqué "qu'aucun blessé grave qui puisse être en lien avec cette opération d'évacuation n'a été hospitalisé dans les services de réanimation".
De leur côté, les Hôpitaux de Paris ont aussi "formellement démenti" la rumeur. "L'AP-HP dément fermement les rumeurs selon lesquelles un blessé grave aurait été conduit dans l'un des services de l'AP-HP à la suite de l'évacuation de Tolbiac", a indiqué sur Twitter l'institution qui gère 35 hôpitaux en Île-de-France. Enfin, Mao Peninou, maire adjoint chargé de la propreté de la Ville de Paris, assure avoir mené l'enquête au sein des services de nettoyage, qui n'ont "ni nettoyé ni repéré de taches de sang ou quoi que ce soit de ressemblant à Tolbiac ou dans ses environs".
INTERVENTION POLICIÈRE À TOLBIAC : "DES CRIS, DES PLEURS, DU GAZ"
— Le Média (@LeMediaTV) 20 avril 2018
Leïla, étudiante à @TolbiacLibre nous raconte l'intervention policière de ce matin.
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"Je ne suis pas un témoin visuel." Le journal Libération a enquêté de son côté pour tenter de faire toute la lumière sur cette affaire. Une journaliste a tenté de retrouver les différents témoins qui affirmaient avoir vu un jeune homme à terre, la tête ensanglantée. Parmi eux, Leïla, la seule à avoir témoigné à visage découvert sur Le Média. "La première chose qu'on a vue (…), c'est un gars devant les grilles, la tête complètement explosée, une flaque de sang énorme", affirmait-elle. Or, contactée par Libération, l'étudiante a avoué avoir menti, mais maintient qu'il y a bien eu un blessé grave. Seulement, elle ne l'a pas vu. "Je ne suis pas un témoin visuel. Les témoins ne veulent pas parler aux médias, c'est pourquoi nous relatons les faits", justifie-t-elle au journal.
Les autres témoins sont injoignables, et leur crédibilité est désormais mise en doute par Reporterre lui-même. Le site d'informations a d'ailleurs publié un article correctif mardi soir.
Un risque à prendre pour Le Média. Du côté du Média, on reconnaît à demi-mot une maladresse, mais on appuie la méthode employée. "Comme la police ne disait rien à ce moment-là, on a interrogé les seules personnes qui pouvaient dire ce qu’elles avaient vécu. Evidemment qu’il fallait les interroger. Maintenant, est-ce qu’il faut mettre des guillemets chaque fois qu’on interroge quelqu'un, évidemment", considère Gérard Miller, co-fondateur de la chaîne, joint par Europe 1. Pour lui, "il faut que les médias aujourd’hui donnent la parole, y compris avec le risque que les témoignages humains peuvent parfois être démentis par les faits."