"Les policiers sont sidérés", réagissait Céline Berthon, secrétaire générale adjointe du Syndicat des Commissaires de la Police Nationale, il y a tout juste un an. À Magnanville, dans les Yvelines, Larossi Abballa venait d'assassiner Jean-Baptiste Salvaing, commandant de police, et sa compagne Jessica Schneider, agent administratif au commissariat des Mureaux, devant leur fils de trois ans. L'attaque, revendiquée par l'organisation Etat islamique, révélait un mode opératoire totalement nouveau : le couple avait été choisi par son agresseur uniquement en raison de son appartenance aux forces de l'ordre. "On accepte les risques du métier quand on sert dans la police, quand on sert avec l'uniforme", déroulait Céline Berthon. "On n'accepte pas d'être poursuivi dans sa vie privée, et on n'accepte certainement pas qu'on s'en prenne à sa famille."
Après le choc, les syndicats de gardiens de la paix réclamaient un meilleur suivi des multi-récidivistes comme Larossi Abballa, mais aussi et surtout des mesures concrètes pour mieux assurer leur sécurité hors service et protéger leur anonymat au travail. Un an plus tard, alors que plusieurs hommages au couple assassiné sont prévus mardi, les conditions de travail des policiers ont-elles vraiment évolué ? Europe1.fr fait le point.
- Le port d'arme autorisé hors service, même après l'état d'urgence
Dès le lendemain de l'attaque de Magnanville, Alliance Police Nationale exigeait que les policiers "continuent d'être armés en tout temps et tous lieux", autrement dit même une fois leur service achevé. Les gardiens de la paix avaient déjà obtenu ce droit quelques jours après les attentats du 13-Novembre, à condition de porter un brassard en cas d'intervention, afin d'éviter toute confusion. Mais la disposition n'était prévue que dans le cadre de l'état d'urgence. Après l'assassinat de Jean-Baptiste Salvaing et Jessica Schneider, Bernard Cazeneuve, alors ministre de l'Intérieur, a décidé d'étendre ce droit, annonçant qu'il serait toujours valable après la levée du régime d'exception.
Après les manifestations de policiers suite à l'attaque de Viry-Châtillon, en octobre 2016, le gouvernement a par ailleurs proposé un projet de loi "relatif à la sécurité publique" alignant les règles de la légitime défense des policiers sur celles des gendarmes : ces derniers peuvent désormais utiliser leur arme "après deux sommations", pour "arrêter des personnes qui cherchent à échapper à leur garde et sont susceptibles de perpétrer, dans leur fuite, des atteintes à leur vie où à celles d'autrui."
- Une meilleure anonymisation des policiers dans les procédures
C'était la deuxième revendication principale des représentants des policiers, reprise par François Hollande lui-même. "Il nous faut éviter, autant que possible, que les policiers et gendarmes soient identifiés et pris pour cibles par les malfaiteurs qu'ils ont mis hors d'état de nuire, ou par leurs complices", avait déclaré le chef de l'État après l'attaque de Magnanville. Deux mois après le double-assassinat, les gardiens de la paix ont obtenu le droit de travailler anonymement lors de procédures réalisées dans le cadre de l'état d'urgence. Dans leur compte-rendus, ils sont désormais autorisés à inscrire leur référent d'identité opérationnelle (RIO), un numéro différent du matricule, à la place de leurs nom et prénom. Cette possibilité a depuis été étendue aux actes de procédure portant sur "un crime ou délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement". Elle ne concerne cependant pas les procédures judiciaires, comme les procès-verbaux de garde à vue, par exemple.
Par ailleurs, depuis Magnanville, les policiers ne reçoivent plus de courrier portant le logo du ministère de l'Intérieur ou de la préfecture de police : leurs documents leur sont adressés en main propre, ou dans des enveloppes anonymisées.
- Le port de la cagoule autorisé "à titre exceptionnel"
Dans le prolongement de ces mesures d'anonymisation, une note de la Direction générale de la police nationale (DGPN) a récemment assoupli les conditions de port de la cagoule par les gardiens de la paix. Ce dernier était déjà autorisé pour quelques catégories de policiers d'élite, comme les brigades de recherche et d'intervention (BRI) ou le Raid. Une situation qui créait parfois des décalages, les agents de ces unités intervenant aux côtés de fonctionnaires de la sécurité publique ayant, eux, le visage découvert. Dans plusieurs cas précisément prévus par la loi, comme lors d'opérations en lien avec la radicalisation ou le terrorisme, ou dans le voisinage immédiat d'un agent de police susceptible d'être reconnu, le port de la cagoule est désormais autorisé pour tous les policiers.