Les épisodes de chaleur à répétition et le manque d'eau dans les terres embarrassent la plupart des agriculteurs. Mais les vignerons, eux, ont encore le sourire, en tout cas pour une partie d'entre eux. L'année 2015 réunit toutes les conditions pour avoir de bons crus. Pour l'instant.
Selon des données collectées au 20 juillet, la récolte atteindrait cette année 46,6 millions d'hectolitres, très légèrement inférieure à 2014 (-1%) mais toujours mieux que la moyenne des cinq dernières années (+2%), selon le ministère de l'Agriculture.
"2015 n'a pas de défaut". Et côté qualité, Agreste, la branche statistique du ministère, a constaté des "grappes généreuses dans de nombreuses régions". Car la chaleur, au lieu de tuer les vignes, sonne plutôt le glas de la plupart de leurs maladies. Et plus le cépage est résistant à la chaleur, plus le vin s'annonce goûtu. "Pour l'instant, cette année n'a aucun défaut. Les conditions pour un bon millésime sont réunies. Les vignes sont saines. La chaleur tue les maladies. Et on a même eu quelques pluies, ce qui accélère la maturation", nous explique-t-on au Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB).
Ne pas vendre la peau de l'ours. Même le mouvement de la lune sourit aux vignerons : ceux qui ont opté pour la biodynamie, la viticulture calée sur les rythmes de déplacement de la lune, attendent en effet un cru exceptionnel. "La vigne se porte bien. Elle ne souffre pas. Elle a amené généreusement sa récolte. C'est de toute beauté, c'est à dire très sain, aucune maladie, même pas sur les feuilles. Ça se profile bien mais il ne faut pas vendre la peau de l'ours", témoigne au micro d'Europe 1 Jo Landron, producteur de Muscadet près de Nantes.
Ne pas vendre la peau de l'ours, c'est en effet le mot d'ordre. Car quelques orages carabinés ou une averse de grêle peuvent tout gâcher en un rien de temps. Or, même si elles arriveront avec un peu d'avance cette année, les vendanges ne sont pas annoncées avant au moins un mois.
Des disparités régionales. En outre, toutes les régions ne sont pas logées à la même enseigne. Certains vignobles commencent à s'inquiéter de la sécheresse, comme en Bourgogne par exemple. "Nous avons eu beau temps, la floraison s'est bien passée et les conditions d'un bon millésime sont réunies. Mais il y a un seul bémol : il manque vraiment d'eau dans les sols. Ce n'est pas encore catastrophique. La vigne résiste mieux que le maïs. Mais il nous faudrait quant même un peu de pluie", nous explique Christine Monamy, responsable agro-météo au Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne (BIVB).
Dans la région, "deux scénarios sont désormais possibles", peut-on également lire sur Vitisphère. Qui poursuit : "si des pluies conséquentes tombent […] il pourrait y avoir un risque accru d'éclatements de baies, avec à la clé de la pourriture grise ou acide. Si à l'inverse la sécheresse perdure en août, les conseillers craignent les mêmes phénomènes qu'en 2003 : des 'blocages' pour la plupart des parcelles, provoqués par un stress hydrique trop important".
Enfin, la chaleur n'a pas non plus vaincu toutes les maladies. Le black-rot (pourriture noire) reste assez fort dans certains départements (Gard, Loire…) et l'oïdium (une maladie issue d'un champignon) est toujours présent en Savoie, en Bourgogne et dans le nord-est, notamment en Champagne. Conclusion : si 2015 a de quoi faire de bons millésimes, le mois d'août sera long. Et dans certaines régions plus que d'autres.