Le temps presse : le 30 juin, soit dans moins d’une semaine, la Grèce devra rembourser près de 1,6 milliard d’euros au FMI sans que l’on sache si Athènes dispose de cette somme. Pour éviter un défaut de paiement, la Grèce et le reste de la zone euro ont donc intensifié le rythme de leurs négociations afin de débloquer la dernière tranche du plan d’aide. Une enveloppe de 7,2 milliards d’euros que l’Union européenne ne versera qu’en échange d’un nouveau paquet de réformes. Mais de quelles mesures s’agit-il ? Europe 1 fait le point sur les avancées et les points de blocage.
L’effort général. Toutes mesures confondues, les négociateurs visent des économies de 8 milliards en 2015 et 2016. Soit un excédent primaire budgétaire représentant 1% du PIB pour 2015 et 2% pour 2016. Une solution à mi-chemin entre les propositions de chacun : une partie des créanciers, le FMI, en demandait plus (3% puis 4,5%), tandis que la Grèce proposait 0,6%. Reste à savoir si les mesures suivantes permettront d’atteindre cet objectif.
• Fiscalité des particuliers. Ce dossier n’est pas le plus sensible, la Grèce et ses créanciers étant globalement d’accord, même si des doutes persistent sur la capacité des Grecs à joindre la parole aux actes.
Conformément à ses promesses électorales, le gouvernement veut faire supporter l’essentiel de l’effort par les plus fortunés. La Grèce propose donc une hausse de "la taxe de solidarité" pour les hauts revenus (supérieurs à 50.000 euros par an et par contribuable). Les taux de 3% et 4% seraient relevés à 4 et 6% et un nouveau plafond de 8% serait créé. Une hausse de la taxe sur les biens de luxe est aussi prévue et devrait concerner les produits suivants : voitures de plus de 2,5 litres de cylindrée, piscines, avions, yachts, etc. Si les Européens sont d’accord avec ces réformes, le FMI serait plus sceptique à en croire le gouvernement grec.
Pour le reste de la population, la seule nouveauté serait la création d’une taxe sur les revenus des jeux en ligne. A un détail près cependant : depuis 2010, les services fiscaux grecs commencent enfin à faire leur travail, si bien que de nombreux contribuables se mettent à payer des impôts. Une normalisation fiscale qui est vécue par beaucoup comme un nouveau tour de vis.
• Fiscalité des entreprises. Là aussi, les dissensions sont limitées. Le gouvernement grec propose de rehausser l’imposition des sociétés anonymes (qui passerait de 26% à 29%) et d’instaurer une taxe extraordinaire de 12% sur les sociétés ayant un chiffre d'affaires de plus de 500.000 euros.
• TVA. C’est l’un des dossiers qui pose problème car le gouvernement grec souhaite ne pas trop pénaliser la consommation interne. La Grèce veut maintenir la TVA sur les services (13%) et les produits (23%) et aurait obtenu obtenu de conserver une TVA à 6% pour les médicaments et les livres. Mais ses créanciers veulent que la restauration et l’hôtellerie passent à 23%, avec l’argument suivant : ce ne sont pas les Grecs qui en pâtiront le plus mais les touristes, essentiellement allemands et français. Autre point de friction : le taux de TVA réduit dont bénéficient les îles grecques pour compenser leur isolement, que les créanciers souhaitent supprimer.
Le dossier de la TVA est d’autant plus sensible que le doute persiste sur la capacité de l’administration à lever l’impôt dans un pays où la fraude à la TVA est très répandue et où les terminaux pour payer par carte bancaire sont très souvent "en panne", obligeant les clients à payer en liquide.
• Retraites. Sans surprise, c’est l’une des dossiers les plus explosifs, et pour cause : la Grèce a déjà lancé plusieurs réformes depuis 2012 : report de l'âge légal de départ à la retraite (de 60 à 62 ans), allongement de la durée de cotisation (40 ans, contre 37,5 auparavant), réduction de la liste des métiers "pénibles" donnant droit à une retraite anticipée (10% des métiers concernés, contre un tiers auparavant), et baisse des pensions de 20% en moyenne.
Le gouvernement grec souhaite toucher le moins possible à ce dossier, alors que ces créanciers y voient une source importante d’économies. Ces derniers proposent donc de supprimer une bonne partie des mécanismes de préretraite, voire de repousser encore l’âge légal de la retraite à 67 ans ou d’augmenter le niveau des cotisations.
• Budget de l’Etat. Les négociations sur ce point sont compliquées bien que la Grèce ait déjà beaucoup taillé dans ce poste de dépenses et estime ne plus avoir beaucoup de marges de manœuvre. Le FMI souhaite néanmoins un effort supplémentaire. Seule concession acceptée pour l’instant par Athènes : réduire ses dépenses d’armement de 200 millions, alors que la Grèce est l’Etat qui consacre le plus d’argent – en proportion – à la Défense. La promesse du gouvernement de créer 300.000 postes dans la Fonction publique devrait en revanche être enterrée.
• Privatisations. Alexis Tsipras a déjà beaucoup évolué sur ce dossier, les frictions avec ses créanciers devraient donc être limitées. Alors que Syriza promettait de mettre fin à la vague de privatisation lancée par ses prédécesseurs, la Grèce en accepte désormais le principe. En contrepartie, elle souhaite y ajouter des conditions : participation du secteur public dans le capital de la société acheteuse, engagement des investisseurs dans l'économie locale, protection des droits de travailleurs, et enfin protection de l'environnement. Le gouvernement exclut en revanche la vente de l'opérateur public du réseau d'électricité (Admie) et de sa participation dans l'opérateur de téléphonie OTE.
• Les mesures non chiffrées. Comme ses prédécesseurs, le gouvernement propose également un nouveau plan de "lutte contre la corruption" sans qu’il soit possible d’en estimer les effets. De même, les résultats du plan de lutte contre la fraude à la TVA se font encore attendre.
Même en cas d’accord, beaucoup reste à faire. Bien que les négociations semblent se passer dans un climat plus apaisé qu’auparavant et qu’un accord semble envisageable, ce n’est pas pour autant qu’il aboutira. En effet, le gouvernement grec devrait alors le faire valider par le parlement grec et rien n’indique que ce sera une promenade de santé : une partie des députés Syriza estime en effet qu’Alexis Tsipras a fait trop de concessions et pourrait ne pas soutenir le gouvernement. De même, une partie des pays de la zone euro devront eux aussi faire valider cet accord par leurs députés, avec la même incertitude.
Et quand bien même cet accord était validé par tous, rien n’indique qu’il produira les effets escomptés. En effet, alors que les précédentes réformes étaient censées augmenter les recettes de l’Etat, les rentrées fiscales n’ont pas été au rendez-vous parce que l’économie grecque s’est fortement contractée et que l’administration n’a pas encore terminée sa mue. Sans oublier un autre dossier tout aussi explosif : un effacement partiel de la dette grecque, que beaucoup d'observateurs jugent insoutenable et qui devrait faire l'objet de nouvelles négociations.