Le "Guide de la révolution", mort jeudi à Syrte, se sera accroché au pouvoir pendant presque 42 ans. Mouammar Kadhafi est arrivé très jeune au sommet du pouvoir. Après avoir reçu une éducation religieuse rigoureuse dans la région désertique de Syrte, le Bédouin d’origine, fils de berger, s’engage dans l’armée. Là, il côtoie quelques amis "révolutionnaires", qui veulent en finir avec la monarchie, en place depuis la fin de la colonisation italienne, en 1951. Le 1er septembre 1969, alors qu’il n’a que 27 ans, il renverse le roi Idris et le régime monarchique avec. Il n’est que capitaine, mais s’élève au grade de colonel.
Ambitieux et utopiste
Huit ans plus tard, il proclame la "Jamahiriya", qu'il définit comme un "Etat des masses" qui gouverne par le biais de comités populaires élus. Mouammar Kadhafi s'auto-attribue le titre de "Guide de la grande révolution". C’est le début d’un long parcours marqué par le culte de la personnalité. Son style de vie, ses tenues traditionnelles, sa façon fantasque d'exercer le pouvoir sur cet immense et riche pays pétrolier peu peuplé, apparaissent incongrus et imprévisibles pour les Occidentaux, mais aussi pour les Arabes.
Mouammar Kadhafi a alors pour idée de promouvoir le panarabisme (unité des pays arabes). Le "Guide" libyen prend exemple sur l’Egypte, alors dirigée par Gamal Abdel Nasser, et nationalise certaines entreprises, en particulier celles détenues par des ressortissants italiens.
Une politique extérieure agressive
S’engage vite une série de conflits, qui mettront en avant ses "qualités" d’orateur autoritaire. Dès 1970, il demande aux États-Unis d'évacuer les bases militaires en Libye, et réussit à imposer pour la première fois une augmentation du prix du baril de pétrole.
En 1973, Mouammar Kadhafi s’attire les foudres de la communauté internationale en annexant la bande d’Aozou au Tchad. En 1978, nouveau coup d’éclat : il décide d’envoyer 3.000 hommes pour soutenir le dictateur ougandais Idi Amin Dada, finalement renversé en 1979. Le colonel Kadhafi s’en prend également aux tribus berbères de Libye, canalisant toute revendication en faveur de la langue amazighe.
Face aux attaques incessantes du guide libyen, les Etats-Unis de Ronald Reagan décrètent en 1982 un embargo commercial contre la Libye. L’économie pétrolière du pays s’en trouve de fait affectée. Suite à l’attentat de Lockerbie contre un Boeing 747 de la Pan Am, en 1988, perpétré par des agents libyens, le conseil de sécurité de l’ONU décide à son tour de boycotter les produits libyens.
Quand Kadhafi était devenu "fréquentable"
Depuis une dizaine d’années, Mouammar Kadhafi voulait "casser" son image de paria de la scène internationale et s'était ouvert à l'Occident. Kadhafi reçoit alors les dirigeants occidentaux et inversement. Ainsi, l’Elysée elle-même a déroulé le tapis rouge au colonel en décembre 2007. Le 1er septembre de l’année suivante, Silvio Berlusconi, alors en visite à Tripoli, s’est excusé au nom de l’Italie pour les années de colonisation italienne en Libye. Un an plus tard, c’est le président suisse Hans-Rudolf Merz qui s’est excusé "auprès des Libyens" pour l’arrestation en à Genève en 2008 d'Hannibal Kadhafi, fils du dirigeant.