Hong Kong : trois dates pour comprendre l'escalade de la crise

La police a fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc à plusieurs reprises à Hong Kong, depuis fin juillet.
La police a fait usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc à plusieurs reprises à Hong Kong, depuis fin juillet. © AFP
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Margaux Lannuzel avec AFP , modifié à
La crise entre l'archipel et la Chine continentale dont il dépend dure désormais depuis plus de deux mois. De part et d'autre, le ton s'est durci ces dernières semaines. 
ON DÉCRYPTE

Mi-juin, deux millions de manifestants défilaient dans les rues de Hong Kong pour réclamer le retrait d'un projet de loi autorisant les extraditions vers la Chine. L'épisode rappelait alors le "mouvement des parapluies", qui avait secoué la région cinq ans plus tôt, et lors duquel des quartiers entiers de l'archipel avaient été bloqués par des manifestants réclamant notamment l'instauration du suffrage universel - sans que Pékin ne recule finalement d'un pouce.  

Mais deux mois plus tard, la comparaison ne semble plus suffisante. Entre blocage de l'aéroport, menaces d'intervention militaire et accusations de terrorisme, le conflit qui oppose la région semi-autonome à la Chine continentale a connu une escalade inédite depuis sa rétrocession, en 1997. Comment en est-on arrivé là ?  

27 juillet : balles en caoutchouc et gaz lacrymogènes 

D'abord pacifique, le mouvement a pris une tournure plus violente au cœur de l'été. Fin juillet, les manifestations se tendent lorsque la police fait régulièrement usage de gaz lacrymogènes et de balles en caoutchouc contre les manifestants, qui lui lancent des projectiles. Le 27, la colère déborde après l'attaque de protestataires par des hommes masqués, soupçonnés d'appartenir à la pègre locale. Les manifestants, frustrés par l'intransigeance des autorités, envahissent l'assemblée législative de la ville et vandalisent les murs du Bureau de liaison de Pékin à Hong Kong. Les autorités chinoises blâment un "petit nombre de radicaux" et intiment à l'exécutif de l'archipel, pro-Pékin, de "rétablir l'ordre au plus vite". 

Mais les manifestations ne cessent pas, tandis que le spectre des revendications, comprenant la démission de la cheffe de l'exécutif local Carrie Lam, s'élargit. À nouveau, le suffrage universel est réclamé. "Les gens semblent avoir une plus grande tolérance (à la violence), en particulier parce que le gouvernement refuse de donner une réponse directe et significative aux demandes du mouvement non-violent", analyse fin juillet le professeur de droit Benny Tai, figure de proue du camp pro-démocratique, dans une lettre écrite depuis la prison où il purge une peine pour sa participation au "mouvement des parapluies". 

1er août : démonstration de force des troupes chinoises

Alors que de plus en plus de responsables occidentaux apportent leur soutien aux manifestants, le mois d'août marque un tournant dans l'implication de Pékin dans la crise. Silencieux au début du mouvement, puis officiellement solidaire de l'exécutif local, le gouvernement chinois montre les muscles, en diffusant via les médias officiels une vidéo d'exercice de son armée, occupée à réprimer une émeute au sein de l'archipel. Blindés, matraques et canons à eau font face à des manifestants qui finissent menottés… "Toutes les conséquences sont à vos risques et péril", crie un militaire dans un haut-parleur. 

L'armée chinoise, qui dispose d'une garnison de plusieurs milliers d'hommes dans l'ancienne colonie britannique, n'est pourtant pas censée se mêler des affaires du territoire - sauf si les autorités locales lui demandent d'y maintenir "l'ordre public". Dans les jours qui suivent, plusieurs médias reprennent des images de véhicules militaires chinois en entraînement à Shenzhen, aux portes de Hong Kong, laissant planer le spectre d'une intervention… Sans mettre fin aux manifestations : les 3 et 4 août, des milliers de personnes se rassemblent à nouveau en différents lieux de la mégapole pour réclamer une refonte du système politique. Le lendemain, une grève générale et un blocage des rames du métro hongkongais sème le chaos dans la région. "Ceux qui jouent avec le feu périront par le feu", avertit un haut responsable du gouvernement chinois.

12 août : "des signes de terrorisme" dans la contestation

Tandis que la mobilisation ne faiblit pas, la rhétorique de Pékin se renforce. Le 12 août, le gouvernement chinois hausse à nouveau le ton, en dénonçant "les premiers signes de terrorisme qui émergent" après un tir présumé d'un cocktail molotov en direction des policiers. Il réitère l'accusation deux jours plus tard, parlant "d'actes quasi-terroristes" après le passage à tabac de deux Chinois du continent lors de manifestations à l'aéroport de Hong Kong. En réponse, le Front civil des droits de l'Homme (FCDH), à l'origine du mouvement, appelle à de nouvelles manifestations pacifiques. Le 18, des dizaines de milliers de personnes défilent pour prouver que la contestation reste populaire, en dépit de la montée des tensions avec le continent.

Au-delà des frontières chinoises, la succession de ces épisodes et la multiplication des mouvements paramilitaires à la frontière inquiète. Tandis que Washington appelle Pékin à respecter le "haut degré d'autonomie" dont Hong Kong bénéficie depuis plus de trente ans, des députés français signent une lettre ouverte demandant à l'exécutif de prendre une position officielle pour signifier aux deux parties que "le dialogue doit primer sur la violence". "Il faut éviter un nouveau Tian'anmen, même si je pense que ce ne sont pas du tout les mêmes circonstances", avertit l'un d'entre eux, Jean-François Cesarini, interrogé par Europe 1. 

Cette crainte, référence aux manifestations réprimées dans le sang en juin 1989 à Pékin, doit-elle être envisagée sérieusement ? Elle a en tout cas été formulée par le président américain lui-même, dimanche. Pointant les conséquences qu'aurait une "autre place Tian'anmen" sur les relations commerciales entre la Chine et son pays, Donald Trump a appelé à une résolution de la crise "d'une manière humaine".