Le meurtre de Narumi restera-t-il un mystère ?

Narumi a disparu au début du mois de décembre, à Besançon.
Narumi a disparu au début du mois de décembre, à Besançon. © FACEBOOK / AFP
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M.L avec AFP
La police française est certaine que l'étudiante japonaise a été tuée début décembre, à Besançon. Son petit-ami, rentré précipitamment au Chili, nie toute implication.

 

C'est un meurtre sans cadavre, entouré de questions. Plus de deux mois après la disparition de Narumi Kurosaki, une étudiante japonaise, à Besançon, la police française en est pourtant certaine : la jeune femme a été tuée, dans la nuit du 4 au 5 décembre. L'intrigante histoire fascine jusqu'à Tokyo, où les médias couvrent abondamment l'enquête. Certains journalistes ont même fait le déplacement à Santiago du Chili, où le principal suspect, l'ancien petit ami de la victime, a clamé son innocence devant la Cour suprême, mardi.

"Des boums sur les portes, les meubles". Narumi, 21 ans, étudiait le français et l'économie à Besançon, dans le cadre d'un partenariat entre l'université de Tsukuba et celle de Franche-Comté. Jolie, "calme" et "toujours souriante" selon ses camarades, elle était "pleine de vie" et en lien régulier avec sa famille au Japon. Elle avait aussi un petit ami, dont elle semblait très amoureuse. Lorsqu'elle a disparu, personne n'a voulu croire qu'elle ait pu songer à se suicider.

L'hypothèse a de toute façon très vite été écartée par les enquêteurs. La nuit de la disparition de Narumi, plusieurs étudiants qui logent dans son immeuble racontent avoir entendu "un grand cri". L'une d'entre eux, sa voisine de palier, se souvient aussi "des boums sur les portes, les meubles", avant "un cri de femme". "Au début, j'ai cru que c'était un film d'horreur, mais comme ça recommençait, je me suis inquiétée. Je n'ai pas pu bouger de mon lit, j'étais terrifiée", confie-t-elle à la police.

"Le suspect a tué cette jeune femme". Dès la fin du mois de décembre, le commandant Régis Millet, de la police judiciaire de Besançon, est formel : "des éléments nous permettent de dire que le suspect a tué cette jeune femme". Évoquant, de manière vague, des images de vidéosurveillance et des données téléphoniques, les enquêteurs restent prudents pour préserver leurs chances d'interpeller un suspect, qui évolue "dans la mouvance étudiante".

Car un nom, chilien, est revenu dans de nombreux interrogatoires de l'entourage de la victime. Nicolas Zepeda Contreras, 26 ans, professeur-assistant, a entretenu une relation amoureuse avec Narumi, avant qu'elle ne le quitte. Plusieurs témoins ont décrit sa personnalité "envahissante et inquiétante". Le 4 décembre au soir, l'homme était à Besançon. Fait suspect : après la disparition de son ancienne petite amie, il a ensuite précipitamment rejoint son pays.

Fouilles dans la forêt de Chaux. L'exploitation des données GPS de l'amoureux éconduit  mène les enquêteurs dans la forêt de Chaux, dans le Jura, l'une des plus vastes de France. Mais ils n'y trouvent aucune trace du cadavre de Narumi. Pour tenter d'accélérer les choses, la France, qui a ouvert une enquête pour meurtre, formule une demande officielle d'arrestation provisoire et d'extradition de Nicolas Zepeda Contreras. Jugeant les éléments l'accusant insuffisants, la justice chilienne se contente d'interdire à son ressortissant de quitter le territoire pendant deux mois.

C'est donc libre, et muet face aux médias, que le principal suspect du meurtre s'est présenté devant la Cour suprême du Chili, mardi. "Nous rejetons les charges qui pèsent contre mon client", a simplement assuré son avocat, réfutant que son client ait cherché à échapper à la justice : "nous avons comparu volontairement dès que Nicolas a eu connaissance des premières demandes de l'Etat français." Le conseil a cependant rejeté toute possibilité de retour de son client en Europe, jugeant qu'"assumer une défense en France est impossible, tant physiquement qu'économiquement" pour le jeune homme.

En l'absence de son principal suspect, l'enquête a-t-elle encore une chance de rebondir ? Début février, la procureure de Besançon, Edwige Roux-Morizot, s'est montrée optimiste, pointant une demande d'arrestation différenciée de celle d'extradition, pas encore examinée. La première devait  obligatoirement être formulée en "1.000 caractères", ce qui aurait rendu "difficile de résumer tous les éléments du dossiers." La demande d'extradition, doit, elle, s'accompagner "des pièces du dossier quasi-exhaustives", toujours en cours de traduction. "La Cour se fera une idée réelle des charges qui pèsent sur le suspect."