Sam, 37 ans, éboueur à Paris : "Parfois, on a l'impression qu'il y a du mépris"

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Romain David , modifié à
Sam conduit une benne à ordure au sein du service de propreté de la Ville de Paris. Au micro d'Olivier Delacroix, il raconte comment les préjugés et le mépris de certains passants rendent son métier encore plus difficile qu'il n'est.

Chez Sam, on est éboueur de père en fils. À 37 ans, cet agent de propreté de la ville de Paris assume et aime son métier, rendu pénible, assure-t-il, par le regard condescendant que peuvent jeter sur lui certaines personnes. Il raconte à Olivier Delacroix, sur Europe 1, comment il combat les préjugés sur les éboueurs avec une certaine dose d'humour et l'aide des réseaux sociaux.

"Mon père était éboueur, il a commencé dans les années 1970. J'ai suivi ses pas. J'ai été éboueur pendant dix ans, j'ai ensuite intégré une formation pour passer le permis poids lourd. Maintenant, je suis devant la benne : je suis devenu chauffeur.

Il fut une époque où l'on disait aux enfants : si tu travailles mal, tu finiras éboueur. Ma maman me disait ça devant mon papa, ce qui provoquait quelques petits moments de gêne. […] Mon papa conduisait de petites laveuses et de petites aspiratrices. Quand j'allais à l'école, ma mère me disait de dire qu'il était 'chauffeur'. C'est quelque chose qui a évolué, parce que les gens se rendent compte que l'on est indispensable. Il suffit qu'il y ait un mouvement de grève ou un retard dans la collecte, et on voit les ordures s'accumuler, les rats apparaître…

 

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Quand le mépris des passants continue de nourrir la honte du travailleur

Certains de mes collègues ne veulent pas être reconnus, ne veulent pas travailler dans le quartier où ils vivent. Travailler avec la saleté et les ordures… il y a une image. […] On a l'impression d'être invisible, mais si en plus les gens vous jugent. J'ai travaillé avec des personnes qui avaient le bac.

La société porte un regard sur les gens. J'ai un ancien collègue qui m'avait dit : 'les facteurs sont plus reconnus alors qu'ils apportent les factures'. On fait un travail de Sisyphe. L'autre jour, avec un lancier, on lavait le boulevard Montparnasse, et puis quelqu'un passe devant nous, habillé BCBG, et lance l'emballage du croissant qu'il vient de manger. Parfois, on a l'impression qu'il y a du mépris.

Un jour, une personne m'a regardé droit dans les yeux et m'a dit : 'monsieur vous devez ramasser ça, je paye des impôts'. J'ai répondu par l'humour en disant : 'moi, je n'en paye pas, je suis citoyen monégasque !' Ça reste une minorité de personnes, malheureusement, ils peuvent vous pourrir la journée avec une parole désagréable.

L'avis de  notre experte

Pour Marie Pezé, docteur en psychologie et responsable du réseau de consultation "souffrance et travail", le regard porté sur certains métiers est symptomatique de la déliquescence du lien social. "C'est la dégradation du vivre ensemble qui se manifeste avec cette manière de traiter les gens qui nous servent ou qui s'occupent de nous", pointe-t-elle.

Ainsi, la valeur du travail est généralement associée à un certain degré de savoir, et non à la pénibilité des tâches exécutées. "Dans notre pays, on continue à avoir du mépris pour les cols bleus, et à n'admirer que les gens sortis des grandes écoles ou des écoles de commerce, et à afficher un mépris pour des métiers pragmatiques qui rendent notre monde quotidien tout à fait vivable".

Désormais, Sam utilise les réseaux sociaux pour combattre les préjugés sur sa profession

J'ai créé un compte Twitter, avec l'accord de ma hiérarchie, pour pouvoir expliquer notre quotidien. Quand des gens nous voient à un café, ils ne savent pas que l'on est debout depuis cinq heures du matin et que l'on a ramassé des centaines de containers d'ordures ménagères. Ils ne se rendent pas compte que c'est juste une petite pause, qu'il y a eu tout un travail de fait avant.

J'ai des demandes auxquelles je ne peux pas répondre, parce que je ne suis qu'agent de terrain et je ne peux pas savoir tout ce qui se passe dans Paris. [...] Je reçois parfois des commentaires assez désagréables, pour me dire que les équipes de tel arrondissement ne font rien. […] Moi, j'aime mon travail, je le fais avec application. La plupart de mes collègues également."

>> Retrouvez l'intégralité du témoignage de Sam