Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, s'est vigoureusement défendu jeudi d'avoir dissimulé au Parlement des informations sur le dérapage du déficit public en 2023, qui est "brutalement" passé à 5,5% du PIB contre 4,9% initialement anticipés.
"Toutes les informations ont été données en temps utile au Parlement et aux Français"
Pendant presque trois heures, Bruno Le Maire est passé sur le gril des questions des sénateurs de la commission des Finances, qui avait lancé fin mars une mission sur la dégradation du déficit public et le "défaut d'information du Parlement" sur la situation. Critiqué par les oppositions pour le dérapage du déficit public, le gouvernement l'a attribué à des recettes fiscales de 21 milliards d'euros plus faibles qu'espéré l'an dernier.
"Toutes les informations ont été données en temps utile au Parlement et aux Français, et toutes les décisions nécessaires ont été prises en temps utile pour corriger les conséquences de recettes fiscales moins élevées que prévu", a soutenu Bruno Le Maire. Le ministre a rappelé que 10 milliards d'euros d'économies avaient déjà été actés dans les dépenses de l'État et qu'il cherchait 10 milliards de coupes supplémentaires à réaliser en 2024. "J'ai toujours fait preuve, depuis sept ans que je suis ministre de l'Économie des Finances, de sincérité, d'honnêteté et de sens de la vérité", s'est-il défendu.
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"Toutes les accusations (...) comme quoi, j'aurais délibérément dissimulé au Parlement des informations qui étaient à ma disposition sont graves, infondées." Le ministre répondait ainsi au rapporteur général Jean-François Husson (LR) qui, lors de vifs échanges, s'était alarmé d'une "rétention d'informations" du gouvernement, déjà au courant selon lui du dérapage à venir pour 2023 bien avant que le chiffre n'en soit dévoilé.
"Les prévisions de déficit ne sont pas une science exacte"
"Les prévisions de déficit ne sont pas une science exacte", a expliqué le ministre, citant les "aléas conjoncturels très forts" pouvant faire varier l'évaluation des recettes de l'impôt sur les sociétés (IS) et la trajectoire de la croissance économique. S'il n'a pas dévoilé les prévisions d'une note de ses services datée du 7 décembre 2023 prévenant d'un risque de déficit à 5,2% du PIB, alors que l'examen du projet de loi de finances pour 2024 était en cours au Parlement, c'est parce qu'elles étaient "lacunaires" concernant l'IS ou "inexactes" sur les dépenses de l'État, a-t-il détaillé.
"Si je les avais diffusées, j'aurais donc semé le doute et l'inquiétude inutilement", a-t-il fait valoir, avec le risque de voir augmenter l'écart de taux d'intérêt d'emprunt de la France par rapport à l'Allemagne ("spread"). Ce n'est qu'en février 2024 que différentes données, concernant la fiscalité, les dépenses des collectivités locales ou la conjoncture, se sont précisées, selon Bruno Le Maire. Peu après, début mars, il avait prévenu que le déficit dépasserait "significativement" l'objectif de 4,9%.
Bruno Le Maire a toutefois reconnu "une erreur sur l'évaluation des remontées fiscales", surtout l'IS en raison des montants provisionnés par les entreprises : "J'ai saisi l'ensemble des administrations concernées dans mon ministère à ce sujet. Une erreur pareille ne peut pas se reproduire deux fois." Il s'est également dit favorable à une communication "plus régulière" et "plus transparente" entre le gouvernement et le Parlement en matière de finances publiques.
Interrogé longuement mardi devant la même commission des Finances du Sénat, le ministre délégué chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, avait indiqué qu'une mission avait été confiée en avril à l'Inspection générale des finances (IGF) pour "faire un retour d'expérience sur le circuit de prévisions" du gouvernement et "faire des recommandations" sur leur construction. Les conclusions, attendues en juillet, ne devraient pas être rendues publiques, selon l'IGF.