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Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.

La pire récolte de blé depuis 40 ans en France. Les agriculteurs alertent. La puissance céréalière de la France est menacée.

Une production de 26 millions de tonnes, pour le blé tendre, celui qui sert à faire le pain, c’est un quart de moins qu’en 2023. Il faut remonter à 1983 pour voir une récolte aussi famélique.  Alors, évidemment, il y a une explication dans le bouleversement climatique, on a semé les pieds dans l’eau dans une bonne partie de la France. L’année a été épouvantable.

Une mauvaise année, des coups du climat. Ça semble facile à comprendre. Mais les agriculteurs alertent. L'érosion de la culture céréalière en France en 2024 n’est pas un événement isolé.

Non. Et c’est beaucoup plus inquiétant qu’une mauvaise année. L’Association des producteurs de blé tire un signal d’alarme. La production française de blé décroche complètement par rapport à celle des autres pays producteurs, si on l’observe dans la durée. Les rendements de blé - c’est à dire les tonnages produits à l’hectare baissent, lentement, mais sûrement en France depuis 2015.

62 quintaux par hectare cette année. C’est un quart de moins que la moyenne 2019-2023. Une érosion due à ce que les agriculteurs appellent une “ perte de moyens de production”

Qu’est ce que ça veut dire ?

Que les moyens de protéger et d’entretenir les cultures, les produits phytosanitaires, disparaissent les uns après les autres. Ou alors que la France impose aux agriculteurs des dosages bien inférieurs à ce qui se pratique ailleurs en Europe. Résultat : on ne peut plus lutter correctement contre les moisissures du blé, ou contre les herbes qui font concurrence aux épis dans les champs. Les récoltes sont mauvaises. Depuis des années, l’agriculture française alerte, dit que les décisions politiques déconnectées du terrain vont trop loin, personne ne l’a entendue. On est au pied du mur.

L’autre conséquence, c’est que les surfaces de blé diminuent en France.

La France du blé a perdu un million d’hectares entre 2016 et 2024 ! Un cinquième de sa taille. Les surfaces de blé sont à leur plus bas depuis trente ans. Les agriculteurs renoncent.  Cultiver le blé, c’est devenu trop risqué, trop aléatoire.

C’est grave ?

Oui. Très. Pas pour nous tout de suite, on a de quoi se nourrir. Mais la France exporte traditionnellement la moitié de sa récolte et c’est crucial pour la sécurité alimentaire mondiale.

Dans le monde, les pays exportateurs de blé sont une poignée. 65% du commerce repose sur 5 pays. La Russie, les Etats Unis, le Canada, l’Ukraine et la France. En face on a des pays qui ne peuvent pas produire de blé pour nourrir leur population. Si un pays, la France, sort du jeu, qui prend le relais? Il n’y a qu’un pays qui peut le faire  : La Russie. Laisser la sécurité alimentaire du bassin méditerranée, du Moyen orient, dans les mains d’un dictateur, parce qu’on ne se donne plus les moyens de produire du blé, c’est irresponsable.