Il y a trois ans, pendant les municipales, il assurait que non, il n'avait pas pour projet d'être candidat à la présidentielle. Puis, il avait soutenu Alain Juppé à la primaire de la droite, laissant planer le doute sur sa candidature en cas de défaite de son champion. Depuis la victoire de François Fillon, ce doute n'a jamais été levé. Et voilà que François Bayrou a (enfin) dévoilé ses intentions, mercredi après-midi.
Une alliance et des exigences. Le président du MoDem, qui a déjà été candidat à trois reprises en 2002, 2007 et 2012, s'est exprimé depuis le siège de son parti, à Paris. "Parce que le risque est immense, j'ai décidé de faire à Emmanuel Macron une offre d'alliance. Je lui dis : le danger est trop grand, il faut changer les choses et le faire d'urgence, unissons nos forces pour y parvenir", a-t-il déclaré, avant de lister ses exigences pour acter son ralliement.
Une "loi de moralisation de la vie publique". Parmi ces exigences, un "vrai changement des pratiques et non pas un recyclage des pratiques anciennes". "Je demande expressément que le programme présenté par Macron comporte une loi de moralisation de la vie publique, notamment sur la lutte contre les conflits d'intérêt", a détaillé François Bayrou. "Je refuse,comme j'ai refusé toute ma vie, que de grands intérêts prennent la vie publique en otage. Je ne céderai rien sur la séparation de la politique et de l’argent." Le président du MoDem a aussi annoncé vouloir introduire la proportionnelle aux élections législatives, la garantie de la préservation du pluralisme et celle de la juste rémunération du travail.
Une "entente", pas un "ticket". François Bayrou a précisé qu'il ne s'agissait pas là d'un "ticket" pour la présidentielle, mais bien d'une "entente". "Cette alliance peut apporter au pays et à ceux qui la forment. Je veux y ajouter une note plus personnelle. Je crois que cette alliance peut être une entente d'homme à homme, de courant à courant." Peu avant 18 heures, Emmanuel Macron a indiqué à l'AFP qu'il acceptait la proposition de François Bayrou. "Un tournant de la campagne présidentielle", s'est-il félicité.
" Je crois que cette alliance peut être une entente d'homme à homme, de courant à courant. "
Une situation exceptionnelle. François Bayrou a expliqué sa décision par la situation "exceptionnelle" dans laquelle se trouve le pays aujourd'hui. "La majorité des Français affirment qu'ils ne savent pas pour qui voter. Un peuple qui ne croit plus à sa vie démocratique est un peuple en danger", a-t-il déclaré. Selon lui, le Front national et la popularité de Marine Le Pen représentent "un danger majeur et immédiat pour notre pays et pour l'Europe". "En un seul scrutin, nous pouvons choisir l'échec de la France et la déchirure de l'Union européenne."
Dans ce contexte, "nous sommes dans une situation d'extrême risque" qui appelle "une réponse exceptionnelle". "La dispersion des propositions et des suffrages ne peut qu'aggraver ces périls", a estimé François Bayrou. D'où sa volonté de s'allier avec Emmanuel Macron plutôt que de s'ajouter à la déjà longue liste des candidats.
Violente charge contre la droite. Le président du MoDem a durement tapé sur la droite et François Fillon, toujours visé par une enquête, entre autres pour la rémunération de sa femme comme assistante parlementaire. "Le dévoilement des affaires révèle l'existence de privilèges et de dérive mais, ce qui est plus choquant encore, l'acception tacite et presque unanime de ces abus", a fustigé le maire de Pau. "Je veux souligner que l'un des arguments utilisés me choque particulièrement. Il est répété à longueur de temps que tout le monde fait ça. Je veux dire ici que ce n'est pas vrai et que c'est infamant pour la majorité des élus français."
Réactions politiques. Les réactions à cette annonce de François Bayrou ne se sont pas fait attendre. Et n'ont pas toujours été tendres. Florian Philippot, vice-président du Front national, a ainsi déclaré sur BFMTV que cette alliance était "logique". "Bayrou soutenait Hollande en 2012, il soutient [maintenant] son héritier", a-t-il noté. Non sans rappeler que le président du MoDem considérait, il n'y a pas si longtemps, "que Macron était le candidat des forces de l'argent".
Valérie Boyer, députée LR proche de François Fillon, s'est elle aussi livrée sur Twitter à une petite analyse politique. "François Bayrou rejoint Macron, il vote Hollande une seconde fois."
François #Bayrou rejoint #Macron, il vote #Hollande une seconde fois.
— Valérie Boyer ن (@valerieboyer13) 22 février 2017
Luc Ferry, ancien ministre de l'Education nationale, a quant à lui estimé que cette alliance était "une très mauvaise nouvelle pour Fillon et Hamon". Gérard Collomb, soutien d'Emmanuel Macron, a fait preuve d'enthousiasme. "Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, les progressistes sont en mesure de se rassembler pour faire gagner la France", a-t-il écrit sur Twitter.
Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, les progressistes sont en mesure de se rassembler pour faire gagner la France.
— Gérard Collomb (@gerardcollomb) 22 février 2017