Le Sénat a desserré dans la nuit de mardi à mercredi le "verrou de Bercy", qui donne au fisc le monopole des poursuites pénales en cas de fraude, en adoptant en première lecture le projet de loi contre la fraude. Il s'agit "de supprimer le verrou de Bercy et de le remplacer par un mécanisme qui réserve le cumul des sanctions administrative et pénale aux cas de fraudes les plus graves", a souligné le rapporteur général de la commission des finances Albéric de Montgolfier (LR).
Le respect de trois critères cumulatifs. Ces fraudes doivent respecter trois critères cumulatifs : l'application de pénalités d'au moins 80%; un montant supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d'État; enfin, soit une réitération des faits, soit des comportements aggravants. Mais plusieurs sénateurs ont jugé ce dispositif insuffisant en déposant des amendements similaires destinés à aller plus loin.
"Un accord de principe" de Darmanin. "Les dispositions qui organisent le verrou de Bercy ne sont pas supprimées", a estimé la socialiste Sophie Taillé-Polian, pour qui "l'aménagement proposé est largement insuffisant". "Il ne s'agit pas d'engorger les tribunaux, mais les critères proposés sont trop restreints et, de surcroît, cumulatifs", a-t-elle jugé. "Pour la première fois, je donnerai, non pas un avis favorable, mais un accord de principe" à cette suppression, a annoncé le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin. "L'Assemblée nationale souhaitera sans doute améliorer l'écriture de cet article", a-t-il ajouté, estimant que "les clés du verrou se trouvent sans doute au Parlement" à qui il "reviendra d'établir des critères".
Entrave à la liberté d'action des juges pour les opposants. Le "verrou de Bercy", défendu par l'administration fiscale au nom de l'"efficacité", a fait l'objet de critiques récurrentes de la part des associations et des magistrats, qui lui reprochent d'entraver la liberté d'action des juges et de favoriser l'opacité.
Donner à la douane les moyens d'être "intraitables face à la contrebande". Parallèlement, le palais du Luxembourg a donné mardi son feu vert à un renforcement de la lutte contre le trafic de tabac en adoptant deux amendements en ce sens dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude. Ces amendements visent à donner à la douane les moyens d'être "intraitables face à la contrebande dans les zones transfrontalières", a indiqué Gérald Darmanin, en interdisant de transporter plus de quatre cartouches de cigarettes sur le territoire national, et en doublant les sanctions pour fabrication, détention, vente et transport illicites de tabac qui pourront atteindre jusqu'à 5.000 euros.
Fraude "au détriment du réseau des débits de tabac". Le tabac manufacturé, en tant que produit fortement taxé, "fait l'objet de courants de fraude qui s'exercent au détriment du réseau des débits de tabac, auquel est confié le monopole d'État de vente au détail des tabac manufacturés", a souligné le ministre. Ces amendements permettront de sanctionner plus sévèrement les circuits illicites de vente du tabac "qui contreviennent aux intérêts du Trésor", a-t-il ajouté.