Les débats, sans vote, au Parlement lundi ont confirmé les divisions politiques sur l'intervention française en Syrie, soutenue par la majorité, les UDI-Agir et, avec des bémols, les socialistes mais vivement critiquée par Les Républicains, la gauche de la gauche ainsi que le FN. Devant un Hémicycle clairsemé, particulièrement à droite, Edouard Philippe a repris l'argumentation utilisée dimanche soir par Emmanuel Macron qui a longuement justifié sa décision de frapper des sites de production d'armes chimiques du régime de Bachar al-Assad.
Des frappes "proportionnées". "En mai 2017, le président de la République avait très précisément défini la ligne rouge : une attaque chimique avérée, attribuable aux forces armées syriennes, entraînerait une riposte immédiate. Notre riposte était amplement justifiée dans ses causes. Dans ses modalités elle a été soigneusement proportionnée", a vanté le Premier ministre. "Nous avons ainsi envoyé un message ferme, un message clair, un message fort. Nous voulons dire qu'aucune victoire militaire ne peut impunément être remportée au moyen d'armes chimiques", a-t-il insisté, rappelant que la France avait agi sur la base de renseignements de ses propres services. Edouard Philippe a assuré que la France ne rentrait "pas dans une logique d'escalade" et restait attachée "au multilatéralisme".
LR et LFI condamnent une intervention sans mandat de l'ONU. Mais le chef de file des députés LR a déploré "une occasion manquée" dans une intervention applaudie par les députés communistes, Insoumis et FN. "En intervenant sans mandat, nous craignons que la France se soit encore un peu plus isolée dans cette région du monde", a argumenté Christian Jacob, qui a regretté que "l'on ne travaille pas à une solution partagée avec la Russie". Le leader LFI Jean-Luc Mélenchon a jugé que "nous sommes intervenus militairement dans le pire nid de frelons de la planète", "sans preuves". "Nous avons agi sans mandat de l'ONU, c'est sans doute pour la France le coup le plus important porté à sa diplomatie" selon lui. Ces orateurs ont également déploré qu'il n'y ait pas eu de vote lundi. Emmanuel Macron avait rappelé dimanche que si la Constitution garantissait une "information" du Parlement, c'est aussi elle qui "décide que le chef des armées, c'est le chef de l'Etat".
.@JLMelenchon : "Devons-nous considérer que bombarder trois usines ce n'est pas une déclaration de guerre et que par conséquent à Pearl Harbor, ce n'est pas la guerre qui a commencé ?"
— LCP (@LCP) 16 avril 2018
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Majorité et centristes défendent une action légitime. Le chef de file LREM Richard Ferrand a dénoncé de la part de ces oppositions des "élucubrations de mauvaise foi" qui "viennent délégitimer l'action de nos armées, le travail de nos services de renseignement mais également des ONG qui, sur place, ont relayé l'atrocité de l'attaque perpétrée par le régime syrien". Pour le président du groupe MoDem Marc Fesneau, "rester sans agir c'était se condamner à être les spectateurs passifs d'actes barbare et d'une certaine façon les légitimer". Même raisonnement pour le co-président du groupe UDI-Agir-Indépendants pour qui "ne rien faire aurait été un aveu d'impuissance, un renoncement". Cheffe de file des socialistes, Valérie Rabault a cependant déploré que "la France a agi pour le droit international et sans le droit international".
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Mêmes clivages au Sénat. Mêmes clivages au Sénat, où seuls les socialistes et les centristes ont appuyé l'intervention défendue par le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian. "La France n'est pas isolée. Elle dispose d'alliés et de soutiens. C'est au contraire la Russie qui s'est peu à peu isolée. C'est elle qui s'est isolée en soutenant coûte que coûte al-Assad", a plaidé le chef des sénateurs PS Patrick Kanner. A l'inverse, le sénateur FN Stéphane Ravier a vu dans cette intervention "une faute majeure" alors que "le régime de Damas est le seul capable de s'opposer à Daech".