Sur le fond, Emmanuel Macron aura eu beau parler pendant plus de 2h30, dimanche soir, sa (très) longue interview à BFMTV et Mediapart n'aura pas été l'occasion de faire de grandes annonces. Tout juste le président a-t-il donné une date pour la reprise de la dette de la SNCF par l'État (1er janvier 2020) et annoncé une "adaptation" du délit de solidarité dans le projet de loi asile et immigration.
Pour le reste, que ce soit la fermeté face aux zadistes de Notre-Dame-des-Landes, la défense des frappes en Syrie ou la promotion de sa politique fiscale et économique, le discours présidentiel relevait plutôt de l'explication et de la pédagogie. En réalité, c'est bien le format de l'émission qui constituait le principal intérêt de cet entretien fleuve. En préparant une interview en direct très longue, menée par deux journalistes réputés incisifs, Mediapart et BFMTV ont dépoussiéré le genre.
Un format brouillon, mais...
Près de trois heures d'interview ont permis de balayer un large spectre de sujets, même si les observateurs auront noté que, de façon aussi regrettable qu'habituelle, certains sont passés sous silence (l'environnement, entre autres). Le président a été interrogé tant sur la colère des cheminots que sur le système de santé, est passé des frappes en Syrie à Notre-Dame-des-Landes, de sa pratique du pouvoir à l'égalité hommes-femmes. L'exercice a ses limites. D'une part dans la cohérence et la fluidité générale de la prestation, les questions s'enchaînant parfois sans transition, avec des allers et retours dans les sujets et une impression générale brouillonne, à la limite de l'inaudible parfois. D'autre part, la précision des questions comme des réponses n'était pas toujours au rendez-vous.
Mais cette interview a eu le mérite de fournir une parole présidentielle globale et, partant, de donner à voir un cap politique au-delà des mesures et des réformes prises une par une. Sans compter le temps laissé aux développements et aux relances des journalistes.
Un ton (trop ?) incisif
Les deux qui officiaient dimanche soir n'ont d'ailleurs pas manqué de répondant. Edwy Plenel, président et cofondateur de Mediapart, et Jean-Jacques Bourdin, intervieweur phare de BFM TV, sont réputés pour leur pugnacité. Les échanges ont été souvent vifs, voire houleux, avec des questions que l'on entend rarement dans ce genre d'exercice très codifiés. Jean-Jacques Bourdin a ainsi demandé à Emmanuel Macron s'il n'était "pas dans une illusion puérile de toute puissance". "N'auriez-vous pas dû appeler votre mouvement "En Force" au lieu de "En marche!" ?", a quant à lui interrogé Edwy Plenel.
Le ton du président de Mediapart et de Jean-Jacques Bourdin a parfois considérablement agacé le président de la République, prompt à dénoncer des "questions orientées" et la "malhonnêteté intellectuelle" du premier. En revanche, le chef de l'État a veillé, suivant une stratégie de communication éprouvée, à rester très calme et baisser le ton de sa voix lorsque ses intervieweurs, eux, poussaient le volume à fond.
Macron à Plenel: "Vous ne posez jamais de questions factuelles" #MacronsurBFMTVpic.twitter.com/BVTtm2hE4d
— BFMTV (@BFMTV) 15 avril 2018
L'impertinence d'Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin, jugée agressive et plus militante que journalistique par de nombreux téléspectateurs, s'est doublée de deux autres choix qui n'ont pas échappé aux plus attentifs : les deux intervieweurs ne portaient pas de cravate et ont appelé Emmanuel Macron par son nom plutôt que par "monsieur le président". Une attitude qui tranche avec la tenue habituelle de ce genre d'entretien. Moderne pour les uns, irrespectueux pour les autres, cela pourrait dans tous les cas augurer un changement dans la conduite des interviews présidentielles.
Rendez-vous est en tout cas pris pour l'année prochaine. Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin ont obtenu, sur les coups de 23h20, un accord de principe d'Emmanuel Macron lorsqu'ils lui ont proposé de réitérer l'exercice.
Un 2e entretien dans un an ?: "Chiche!" #MacronBFMTVpic.twitter.com/haRJfrWYCl
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