Evaluations en primaire : c’est quoi le problème ?

© FRANCOIS LO PRESTI / AFP
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Plus d’1,6 million d'écoliers de CP et CE1 vont passer à partir de lundi une série de tests pour connaitre leur niveau. Mais les syndicats craignent qu’en fait, ce soit les professeurs et les établissements qui soient évalués.

Evaluer les élèves ou noter les professeurs ? Voilà résumée en une formule la polémique qui agite le monde éducatif, alors que les élèves de CP et de CE1 passent à partir de lundi, et pour toute la semaine, une série d'évaluations en français et mathématiques. L’objectif de ces tests - les mêmes dans chaque école - est, pour le ministère de l’Education nationale, que les enseignants puissent mieux connaître et accompagner les 1,6 million d’élèves concernés. Mais les syndicats d’enseignants pointent d’une part le stress communiqué aux enfants face à ces tests, et d’autre part le risque d’exploitation des résultats d’évaluation.

En quoi vont consister ces tests ?

Les élèves de CP passent cette semaine des tests de français (deux séances de 20 mn) et de mathématiques (une séance de 20 mn) dans la deuxième moitié de septembre avant une deuxième salve en début d'année calendaire. L’objectif est de donner "des indications claires au professeur" sur les acquis, notamment en fluidité de lecture, selon le ministère. Même dispositif pour tous les élèves de CE1, mais avec des tests seulement en septembre. Dans la plupart des établissements, les élèves répondront sur un cahier.

Les tests sont conçus par plusieurs organismes du ministère. Pour les évaluations en école élémentaire, les enseignants saisiront les réponses des élèves sur un portail en ligne, indique le Snuipp-FSU, premier syndicat des professeurs des écoles. L'interprétation des réponses ne sera pas menée localement, mais de manière automatisée et centralisée par un logiciel. Le maître recevra ensuite le profil de chaque élève (acquis et besoins) et celui de sa classe. Le directeur sera pour sa part informé du profil de son établissement et l'inspecteur d'académie celui des écoles de sa circonscription.

Quels sont objectifs, selon le ministère ?

Ces évaluations sont conçues "pour aider les élèves", a déclaré Jean-Michel Blanquer lors de sa conférence de rentrée et au fil des entretiens donnés à la presse. Elles permettront à l'enseignant d'identifier les acquis et les faiblesses de chacun de ses élèves et d'adapter son enseignement. Toutes les données, anonymisées, seront collectées par la Depp, l'agence de statistiques du ministère, pour fournir "des indications objectives" permettant d'"éclairer la politique éducative du ministère".

En quoi ces évaluations font-elles polémique ?

Pour nombre d’enseignants qui ont pu avoir accès aux  évaluations, elles sont trop difficiles. Ces exercices, que le syndicat a mis en ligne sur son site, "ne respectent pas les apprentissages réels des élèves issus des programmes de maternelle" et "placeront artificiellement la majorité d'entre eux en situation d'échec et de stress important", déplore ainsi le Snuipp-FSU, premier syndicat chez les professeurs des écoles, sur son site internet. Et le syndicat de citer en exemple un texte comprenant le mot "mélatonine" et "glande pinéale".

Franck Ramus, membre du Conseil Scientifique de l'Éducation Nationale à l'origine des tests, a répondu aux critiques sur son site internet, en ne niant pas la difficulté des tests, mais au contraire en l’assumant. "Les évaluations n'ont pas pour objectif d'évaluer ce qui a été fait à la maternelle ou dans les deux premières semaines du CP. Elles ont pour objectif d'évaluer un certain nombre de compétences cognitives qui sont des prérequis pour le programme de français et de mathématiques du CP", explique ce directeur de recherche au CNRS. "Un test qui donnerait le score maximal à 95% des élèves serait peu informatif. C'est pour cela que les tests sont conçus de manière à ce que l'obtention du score maximal soit difficile. Le symétrique est vrai également: si tous les élèves échouent, le test est aussi peu informatif. "

Pourquoi les enseignants s’inquiètent-ils de leur finalité ?

La plus grande inquiétude des syndicats d’enseignants concernent la finalité de ces évaluations. Ils voient dans ces tests plutôt une évaluation du système éducatif, des professeurs et des établissements. "Ces évaluations laissent craindre aux enseignants un classement des écoles, voire des enseignant.es", indique le Sgen-CFDT dans un communiqué.

Ces évaluations "ne se transformeront pas en évaluation des professeurs et des établissements", assure de son côté Jean-Michel Blanquer. Qui a tout de même annoncé la création d'une instance d'évaluation des établissements en 2019. Sans préciser si les données actuellement collectées seront utilisées.