Dans les tribunaux Béziers, Pau ou encore Nîmes, aucune plaidoirie n'a résonné lundi. Les avocats ont décidé de faire grève, comme le rapportent plusieurs journaux locaux, pour protester contre une disposition de la future réforme de la justice qui pourrait entraîner la fermeture de plusieurs cours d'appel.
Selon les propositions de réformes, des tribunaux d'instance seraient fermés. Au centre des contestations, une modification de la carte judiciaire. Bien que la ministre de la Justice ait assuré plusieurs fois qu'aucun "site judiciaire ne serait fermé", les professionnels de justice craignent la suppression de nombreuses cours d'appel.
Avec le programme des "cinq grands chantiers de la justice" annoncé par la ministre Nicole Belloubet début octobre, il n'en resterait que 13 sur les 36 que comptent la France métropolitaine et les outre-mers (six) pour n'en conserver qu'une seule par région.
Le principe de cette réforme, qui fait suite à celle de Rachida Dati (alors garde des Sceaux) entre 2007 et 2011, est de faire coïncider le périmètre du ressort des cours d’appel avec celui des régions, ce qui amènerait à en supprimer certaines. Europe 1 fait le point sur les différentes sources d'inquiétudes des professionnels du droit.
- La création de "déserts judiciaires"
Selon les avocats qui manifestent, cette disposition amènerait à un engorgement des tribunaux restants, un allongement des délais de traitement et la création de "déserts judiciaires". "Si le manque de moyens dans la justice est incontestable, une telle réforme ne conduira à aucune économie et allongera de manière excessive les délais de traitement des affaires, tout justiciable ayant pourtant droit à ce que sa cause soit jugée dans un délai raisonnable", estime le barreau d'Agen dans un communiqué relayé par La Dépêche.
- L'encombrement des tribunaux restant
Les avocats de la cours de Pau (Pyrénées-Atlantiques) craignent que la suppression de leur juridiction et le report de toutes les procédures sur le tribunal de Bordeaux n'entraîne un engorgement de celui-ci. Les manifestants ont rappelé auprès de Sud Ouest lundi que la cour d'appel de Pau est 18ème sur les 36 que compte la France en termes d'activité et qu'elle rend des décisions "dans des délais raisonnables".
- Le découragement des justiciables
Si les avocats se sont mobilisés lundi à Nîmes (Gard) aux côtés d'huissiers, de notaires et d'autres délégations d'élèves-avocats, c'est d'une part parce que le tribunal est particulièrement menacé (à cheval sur trois régions administratives et quatre départements).
D'autre part, le président de la conférence des bâtonniers de France, Yves Mahiu, estime que "tout ceci, c'est pour décourager le justiciable d'aller vers son juge. En termes de société, c'est très inquiétant", comme il l'a confié à France Bleu Lozère, Vaucluse et Drôme-Ardèche lundi. Les avocats ont même lancé une pétition en ligne pour demander le maintien d'une justice de proximité.
En direct du palais de justice de @nimes pour la manifestation des Nîmois qui veulent maintenir la cour d'appel ! #sauvonslacourdappelpic.twitter.com/T51xBUHxlU
— Ville de Nîmes (@nimes) November 13, 2017
- Des économies très limitées
Une disposition qui menacerait également le tribunal de Béziers (Hérault) dont les prérogatives seraient transférées au tribunal de Montpellier. Les avocats se sont rassemblés dès 8h30 lundi. "La cité judiciaire de Béziers a coûté 29 millions d'euros. Le site va-t-il devenir une coquille vide ?", s'interroge Annie Auret, la bâtonnière du barreau de Béziers auprès de France Bleu Hérault. Face à l'impératif d'économies fixées par le gouvernement, la fermeture du tribunal de Béziers leur apparaît incongrue.
J’étais ce matin auprès des professionnels du droit que je soutiens, il y a un vrai besoin de proximité sur le territoire et nous devons maintenir le TGI à #Béziers. #droit#avocats#TGI@MLBezierspic.twitter.com/N3fLytLEnp
— Frédéric Lacas (@fredericlacas) 13 novembre 2017