Le "rebondissement" en était-il vraiment un ? La question se pose mercredi, après l'annulation des mises en examen de Murielle Bolle et des époux Jacob dans l'affaire Grégory Villemin. Il y a presque un an, l'arrestation de ces membres du "clan Bernard Laroche", le cousin du père de l'enfant, relançait soudainement l'affaire, vieille de plus de trente ans. "Plusieurs personnes ont concouru à la réalisation du crime", affirmait le procureur général de Dijon, s'appuyant sur la chronologie reconstituée par le logiciel d'analyse criminelle Anacrim et les résultats de nouvelles expertises graphologiques. Mais onze mois plus tard, aucune autre avancée dans les investigations n'a filtré. Europe 1 fait le point.
Cette décision était-elle attendue ?
Elle s'inscrit en tout cas dans la logique des dernières décisions rendues dans le dossier. Après plusieurs demandes en ce sens, toutes refusées, les époux Jacob s'étaient finalement vus accorder un contrôle judiciaire plus souple fin décembre, les autorisant à rentrer vivre chez eux, dans les Vosges. Contrainte de résider chez un tiers dans la Nièvre, Murielle Bolle avait bénéficié d'une décision similaire en avril dernier.
Au même moment, les avocats des mis en cause plaidaient devant la chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Dijon, réclamant l'annulation des mises en examen. Une requête portant sur la forme, notamment le fait que les "droits élémentaires" des époux Jacob ne leur avaient pas été notifiés au cours de la procédure, mais aussi sur le fond : "l'absence d'indices graves et concordants". Selon le parquet, la décision rendue mercredi se base sur ce second aspect - "des points de procédure", et non sur l'insuffisance des éléments à charge. La Cour a relevé que la présidente de la chambre de l'instruction avait prononcé les mises en examen seule, alors que la loi prévoit que cette décision soit collective.
Cela signifie-t-il que Murielle Bolle et les époux Jacob sont innocents ?
Les avocats des principaux concernés se sont empressés de le souligner, mercredi matin. "Je pense qu'il faut qu'on regarde dans d'autres directions", a estimé sur Europe 1 Me Jean-Paul Teissonnière, l'un des conseils de Murielle Bolle. Les époux Jacob "n'ont plus rien à voir dans ce dossier", a ajouté son confrère Stéphane Giuranna, qui défend le couple.
Mais dans les faits, rien n'assure que les trois protagonistes soient définitivement mis hors de cause. Dans un premier temps, le parquet dispose d'un délai de cinq jours pour former un pourvoi en cassation, pour tenter de faire "casser" l'annulation. À défaut, il pourra demander le renouvellement des mises en examen, en respectant cette fois la procédure. "Cette décision n'annihile en rien les éléments du dossier", a ainsi assuré Me Chastant-Morand, avocate des parents de Grégory Villemin, mercredi. "Elle ne dit absolument pas qu'il n'y a pas d'indices suffisamment graves et suffisamment concordants pour procéder aux mises en examen."
Dans ce dossier, les Jacob, jamais inquiétés jusqu'à l'année dernière, sont soupçonnés d'avoir été les "corbeaux" à l'origine de plusieurs lettres anonymes bien renseignées et adressées aux parents et grands-parents de la victime. Les enquêteurs estiment aussi qu'ils ont pu participer au rapt et au meurtre de l'enfant dans le cadre d'un "acte collectif". Quant à Murielle Bolle, qui avait accusé son beau-frère Bernard Laroche d'avoir enlevé le garçonnet en 1984 avant de se rétracter, les gendarmes explorent la piste de sa participation au kidnapping.
L'enquête va-t-elle se poursuivre ?
Oui. Les avocats des parents de Grégory ont d'ores et déjà demandé "que la chambre de l'instruction convoque Murielle Bolle et les époux Jacob pour leur notifier à nouveau leur mise en examen", ont-ils indiqué mercredi. Que leur requête soit acceptée ou non, "l'affaire Grégory continue", a affirmé à l'AFP le procureur général de Dijon, Jean-Jacques Bosc. "Les actes d'enquête essentiels n'ont pas été annulés". Un rapport de gendarmerie, daté du 10 mai 2017, établit notamment que "Bernard Laroche est l'auteur de l'enlèvement de Grégory", sur la base du témoignage d'un voisin, tardivement recueilli. L'oncle de Jean-Marie Villemin a été abattu par ce dernier en 1985. Entamées depuis trente-trois ans, les investigations continuent de s'attacher à identifier les autres personnes ayant "concouru à la réalisation du crime". Réouverte en 2010 pour de nouvelles recherches ADN, l'enquête n'a depuis pas été close.