Dans moins d'un mois, les Grecs iront voter pour se choisir un nouveau gouvernement, dans un scrutin aux allures de référendum pour ou contre les politiques de rigueur. L'annonce de ces législatives anticipées a fait plonger la bourse, lundi. Et pour cause : pour le vote du 25 janvier, le parti de gauche radicale Syriza se trouve en tête des intentions de vote. Son mot d'ordre : stop à l'austérité imposée au mauvais élève de la zone euro. La perspective d'un gouvernement rouge fait frémir l'Union européenne comme les marchés, même si Dimitri Kourkoulas, secrétaire d'Etat grec aux Affaires européennes, se dit optimiste sur Europe 1.
En 2010, la Grèce a sombré dans une crise après une soudaine prise de conscience européenne sur l'état de ses finances. Depuis, le pays vit sous perfusion de la troïka, qui regroupe la Banque centrale européenne (BCE), l'Union européenne et le Fonds monétaire international (FMI). 240 milliards d'euros prêtés en échange d'une stricte rigueur budgétaire. Cette politique, une bonne partie des Grecs n'en peuvent plus et estiment qu'elle n'a servi à rien si ce n'est à les appauvrir. Mais qu'en est-il réellement des comptes grecs quatre ans après le début de la crise ?
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Des pronostics qui se veulent encourageants. Annonce politique ou réalité, le Premier ministre Antonis Samaras a affirmé en septembre que la Grèce pourrait sortir de son plan d'aide plus tôt que prévu. Il a déclaré que le pays pourrait couvrir ses dépenses l'année prochaine alors que la troïka devait continuer à aider Athènes jusqu'en 2016. Les économistes sont restés sceptiques, tout comme les marchés, encore crispés au moindre soubresaut politique grec.
Mais même la stricte Angela Merkel se disait optimiste, lors de sa rencontre avec son homologue grec. "Je sais les temps difficiles que traverse le pays, mais les premières pousses tendres du succès sont visibles", a-t-elle déclaré. Une nouvelle restructuration de la dette est même envisagée.
La croissance, enfin ! Il faut dire que plusieurs indicateurs sont très encourageants. La Grèce a renoué avec la croissance au troisième trimestre 2014. Normalement, le PIB sur l'année devrait avoir augmenté de 0,6% après cinq années de récession. Athènes prévoit même une croissance de 2,9% en 2015, dans son avant-projet de budget (beaucoup plus que la France, qui prévoit 1,4%). En 2013, la Grèce a affiché un excédent budgétaire - grâce à de petits arrangements d'Eurostat, selon La Tribune.
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La Grèce sort de la crisepar Europe1frEn avril 2014, le pays a réussi un prodige inédit depuis 2011 : vendre des obligations à un taux d'intérêts inférieur à 5%. Depuis le début de la crise, personne n'avait voulu s'engager directement avec la Grèce, qui avait donc dû demander de l'aide à la troïka pour remplir ses caisses. "Les marchés internationaux ont exprimé d’une façon incontestable leur confiance dans l’économie grecque, l’avenir de la Grèce et la capacité de la Grèce à sortir de la crise", a alors claironné le Premier ministre Antonis Samaras. Pourtant, 3 milliards d'euros ne représentent pas grand-chose par rapport aux 240 milliards d'euros prêtés par la troïka.
Dans ce contexte économique toujours complexe, de plus en plus de start-up se montent et prennent des allures de success stories. Nick Drandakis a lancé Taxibeat, fleuron grec du secteur : "Je peux changer davantage les choses en tant qu’entrepreneur qu’en m’engageant en politique", affirmait-il en mai dans Les Echos. L'entreprise a même l'intention de se développer à l'étranger.
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Une économie mitigée. Alors certes, la Grèce semble sortir la tête de l'eau. Mais pour la population, le cauchemar social continue. Le revenu brut par habitant a dégringolé de 18.261 euros par an et par habitant en 2009 à 15.172 euros en 2013. En France, il s'élève à titre de comparaison à 23.893 euros. Le taux de chômage, lui, caracole à 25,8% en octobre 2014. Il avait atteint des sommets au troisième trimestre 2013, contre 11,4 % au premier trimestre 2010, selon Eurostat.
Si la croissance est revenue en fin d'année, le PIB a tout de même plongé entre 2010 et 2014 et la dette atteint toujours des sommets. En 2013, elle est remontée à 174,9% du PIB, après une baisse l'année précédente. Beaucoup plus qu'en 2009, où elle plafonnait à 126,8% du PIB alors que selon les critères du traité de Maastricht, elle ne doit pas dépasser 60%.
"Il y a une amélioration macroéconomique, mais la 'success story' ne se voit pas dans l’économie réelle", note dans Le Monde Angelos Tsakanikas, de la Fondation pour la recherche économique et industrielle. Une détresse qui pousse près de 30% des Grecs à envisager Syriza comme une solution pour se débarrasser des carcans de Bruxelles, dans un pays qui n'a jamais porté les extrêmes au pouvoir depuis la fin de la dictature en 1974.