Le chantier de la réforme de l’assurance-chômage a démarré pour de bon. Syndicats et patronats se sont réunis mercredi au ministère du Travail dans le cadre d’une réunion multilatérale avec le gouvernement pour discuter des modalités et du coût de cette réforme sensible qui doit voir le jour au printemps 2018. Parmi les pistes de réforme envisagées, le gouvernement veut mettre en place un mécanisme pour rendre les contrats courts moins attractifs. Un projet qui crispe tous les acteurs du dossier.
Trois embauches sur quatre en CDD court. L’objectif du gouvernement est d’ancrer durablement la timide reprise de l’emploi observée en France depuis deux ans et qui a du mal actuellement à prendre un essor franc. Certes, les créations d’emplois se portent très bien, avec près de 270.000 postes créés sur les douze derniers mois (malgré un ralentissement au troisième trimestre 2017). Sauf que près de trois quarts des embauches dans le secteur privé (72%) se font actuellement en CDD de moins d’un mois. Une tendance bien installée depuis plusieurs années qui fragilise la baisse du chômage.
Un bonus-malus financier. Pour mettre fin à cette spirale, le gouvernement souhaite rendre les contrats courts moins attractifs pour les employeurs. A cet effet, une mesure assez simple est à l’étude : un système de bonus-malus. Les entreprises qui emploieraient beaucoup de CDD courts seraient sanctionnées financièrement, peut-être par le biais d’une hausse des cotisations patronales pour l’assurance-chômage. Un mécanisme qui se justifie par le fait que les contrats courts coûtent cher à l’Unédic, l’organisme qui gère les allocations chômage. Inversement, les entreprises qui opteraient pour des contrats longs seraient récompensées.
Clivage syndicats-patronat. Ce système de bonus-malus est ardemment défendu par les syndicats, au motif qu’il permettrait de résorber la précarité actuelle du marché du travail. Mais une bonne partie du patronat (il n’y a pas consensus) s’y oppose vigoureusement, refusant tout augmentation du coût du travail, qui handicape déjà la compétitivité française. Les patrons craignent également une mesure injuste, qui pénaliserait les secteurs qui n’ont pas d’autre choix que d’y recourir, à l’instar de l’hôtellerie-restauration.
Selon Les Échos, le taux de cotisations Unédic pourrait être fixé entre 2% à 7% (contre 4% maximum aujourd’hui), fourchette qui permet de ne pas trop pénaliser les secteurs qui ont énormément recours à ces contrats. Le taux serait calculé en fonction de ce que coûte l’employeur à l’Unédic ou de son recours aux CDD de moins d’un mois. Toutefois, devant l’hostilité des patrons, une alternative existe : il s’agirait de définir un taux moyen de recours aux contrats courts par secteur et d’ajuster la surtaxe en fonction de ce taux, afin de mieux prendre en compte les besoins des branches.
Le gouvernement laisse une marge de manœuvre. Le gouvernement a proposé mercredi aux partenaires sociaux de négocier entre eux plusieurs aspects de la future réforme de l'assurance-chômage, y compris la précarité induite par les contrats courts. Et il n’impose pas que la négociation aboutisse à la mise en place d'un bonus-malus, comme le promettait pourtant Emmanuel Macron pendant la campagne. Selon les syndicats, le bonus-malus n’a pas été évoqué pendant la réunion au ministère. Michel Beaugas, négociateur de FO, a vu là un "premier renoncement". "Il y a dû y avoir de fortes pressions du côté patronal pour laisser du temps au temps", a-t-il poursuivi. La question sera donc tranchée en janvier.
Cet attentisme montre que l’objectif du gouvernement n’est pas de sanctionner les employeurs à tout prix mais de les inciter à changer leurs méthodes d’embauches. La perspective d’un bonus-malus apparaît donc comme un bâton destiné à motiver les partenaires sociaux à trouver une carotte, un autre mécanisme qui conviendrait à tout le monde. Pas sûr donc que l’idée du bonus-malus aille au bout de la réforme. La taxation des contrats courts avait déjà été mise en place en 2013 avant d’être abandonnée au printemps dernier, faute de nouvel accord entre syndicats et patronat. Les deux partis avaient alors décidé de trouver des solutions au niveau de chaque branche. Mais cette fois, le gouvernement est à la manœuvre et en cas d’échec des négociations sur le sujet, il prendrait seul la décision finale.