La Grèce a plus d'un tour dans son sac. Alors que le pays peut basculer vers le défaut de paiement s'il ne s'affranchit pas du remboursement des quelque 1,5 milliard d'euros dus à ses créanciers d'ici minuit mardi soir, Athènes a tenté une ultime tentative, dans les règles, en demandant un report du paiement. Et pour montrer sa bonne volonté, le gouvernement grec a indiqué dans la soirée, au cours d'une téléconférence, qu'il était prêt à revoir sa position sur le référendum prévu dimanche. Revoilà donc les cartes rebattues avant la poursuite de l'Eurogroupe mercredi matin.
#L'ESSENTIEL DE LA JOURNÉE
- La Grèce ne remboursera pas les 1,6 milliard d'euros qu'elle doit verser au FMI d'ici minuit
- Une seconde téléconférence est prévue entre les ministres de l'Eurogroupe mercredi matin pour discuter de nouvelles propositions faites par la Grèce
- La Grèce a demandé un report du remboursement au FMI, comme le lui autorise les textes de l'institution dirigée par Christine Lagarde
- Le parti Syriza a mobilisé 17.000 manifestants à Athènes, les contre-manifestants étaient 20.000
- Les agences de notations ont commencé à dégrader la note du pays et de ses banques
La Grèce ne remboursera pas tout de suite... Initialement, la Grèce devait effectuer plusieurs versements au FMI tout au long du mois de mai. Mais faute de liquidités et afin de faire pression sur les négociations, Athènes avait demandé à regrouper tous ces remboursements en une seule échéance, d'environ 1,6 milliard d'euros et à verser le 30 juin avant minuit. Sauf qu'en l'absence d'accord, la Grèce n'a pas reçu la dernière tranche d'aide européenne et n'a pas l'argent nécessaire dans ses caisses. La Grèce ne versera donc pas l'argent qu'elle doit et va se retrouver en défaut de paiement. A moins que...
... Mais peut éviter le défaut de paiement. Vers 22h30 mardi soir, les perspectives de voir la Grèce basculer vers le défaut de paiement ont commencé à s'attenuer. D'abord parce que le FMI a un mois pour le lui signifier, ce qui laisse encore un peu de temps pour poursuivre les débats avec les créanciers. Mais surtout parce qu'Athènes a sorti une dernière proposition de son chapeau : reporter purement et simplement le remboursement des quelque 1,6 milliard qu'elle doit au FMI. "Nous avons déposé au FMI une demande afin qu'il prenne l'initiative de reporter le paiement au mois de novembre", a indiqué Ioannis Dragasakis, le vice-Premier ministre.
Le FMI a les cartes en mains. Contacté par l'AFP, le FMI s'est refusé à tout commentaire à ce stade. Sa charte fondatrice lui permet en effet, "à la demande d'un Etat-membre" et sans vote, de "reporter" la date d'un remboursement dans la limite de 3 à 5 ans, qui correspond à la durée de vie de ses prêts. L'institution peut même aller plus loin. Par un vote recueillant l'assentiment de 70% de son conseil d'administration, elle peut reporter les remboursements au-delà de cette période de cinq ans dans le cas où les échéances financières conduiraient à imposer "une épreuve exceptionnelle" à un pays emprunteur.
Et si le référendum n'avait pas lieu ? Pour montrer sa bonne volonté, le gouvernement grec est même prêt à renoncer au référendum de dimanche. Lors de la conférence téléphonique de l'Eurogroupe qui s'est tenue dans la soirée, les autres ministres des Finances de la zone euro ont demandé à la Grèce quel pourrait être le lien entre la nouvelle demande d'aide d'Athènes et le référendum, a expliqué cette source. La réponse a été que la question pourrait être modifiée "ou le référendum suspendu", a-t-elle ajouté.
Une manifestation pour montrer le soutien de la population. Parce que ce bras-de-fer est aussi une question de symbole, le parti Syriza a mobilisé ses partisans pour montrer le soutien du peuple grec derrière ses dirigeants. Environ 17.000 manifestants ont donc manifesté lundi soir à Athènes et à Thessalonique en faveur du "non" au référendum, dénonçant "le chantage des créanciers", UE et FMI.
Les marchés sanctionnent déjà la Grèce (et le sud de l'Europe). Les investisseurs n'ont pas attendu l'officialisation d'un défaut de paiement pour réagir. La journée de lundi a ainsi été particulièrement mouvementée sur les marchés, toutes les Bourses finissant la journée dans le rouge. Celles des pays du sud de l'Europe ont été particulièrement malmenées.
Fitch Ratings a annoncé mardi soir avoir revu en baisse la note de la Grèce, qui passe de "CCC" à "CC", à deux crans de la note "SD" ou "défaut sélectif". "Nous jugeons désormais qu'un défaut de la dette de l'Etat
détenue par les créanciers privés est probable", a-t-elle déclaré dans un communiqué.
"On est tout près d’une grande catastrophe", prévient Piketty.Invité d'Europe 1 mardi, l'économiste a estimé "qu'ouvrir cette boîte de Pandore d’un pays sortant de la zone euro, ce serait une erreur dramatique, historique. Personne ne peut savoir ce qu’il se passerait ensuite". "Les apprentis sorciers qui s’imaginent qu’on va apporter la stabilité dans la zone euro en expulsant un membre pour discipliner les autres sont extrêmement dangereux", a estimé Thomas Piketty, avant d'insister sur ce qui constitue à ses yeux le noeud du problème : restructurer la dette.