Cinq mille prix qui vont cesser d'augmenter voire baisser, un retour anticipé à la table des négociations entre les supermarchés et les plus gros fournisseurs de l'agro-industrie: le gouvernement s'active pour faire face à des prix toujours élevés dans les rayons des magasins. A l'issue de réunions avec les industriels et les représentants de la grande distribution, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé jeudi "un accord global entre industriels et distributeurs", avec pour ambition de "casser définitivement la spirale des prix de l'alimentaire".
Les prix alimentaires ont bondi de 11,1% sur un an en août, une envolée moins rapide qu'en juillet (12,7%) mais toujours significative. Cet accord prévoit notamment que jusqu'à la fin de l'année, les prix de 5.000 références vont cesser d'augmenter voire baisser. Un chiffre à mettre en regard avec le nombre de références en magasins: 3.000 à 5.000 dans un supermarché, et entre 20.000 et 35.000 dans les hypermarchés.
Négociations anticipées
Le ministre a en outre annoncé une ouverture anticipée des négociations entre les 75 plus grands industriels et leurs clients de la grande distribution, qui devront être "conclues au début de l'année 2024", a-t-il expliqué, annonçant "un texte de loi qui gravera dans le marbre l'anticipation de cette négociation". Distributeurs et industriels agroalimentaires négocient chaque année de décembre jusqu'au 1er mars les conditions de vente d'une large partie des produits vendus tout le reste de l'année en grandes surfaces.
Lors du dernier épisode en mars dernier, le prix moyen payé par les supermarchés aux industriels a augmenté de 9%. Mais le gouvernement a ensuite appelé les différentes parties à se remettre autour de la table pour revoir les tarifs, sans que cela ne se traduise depuis par une baisse significative des prix en rayons. Les négociations pour 2024 vont donc s'ouvrir plus tôt, avec pour objectif "des baisses de tarifs dès le mois de janvier 2024", a déclaré Bruno Le Maire sur France 2.
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Les industriels de l'agro-alimentaire sont "d'accord sur le principe", a réagi auprès de l'AFP le président de la principale organisation du secteur (Ania), Jean-Philippe André, qui a fait d'une date-butoir au 31 janvier "un objectif pouvant être atteint". "Cela va permettre d'anticiper d'à peu près un mois les négociations", a aussi observé le délégué général de la fédération patronale de la grande distribution (FCD), Jacques Creyssel. "On aurait préféré que ce soit plus rapide et qu'on ait fini fin décembre".
En revanche les plus petits fabricants ne sont pas concernés. La Coopération agricole, qui représente 2.300 coopératives, souhaitait "pouvoir garder le calendrier actuel de négociations", a expliqué son président, Dominique Chargé, à l'AFP. "On reste aujourd'hui avec des niveaux de coûts de production importants".
"Name and shame"
Le ministre de l'Economie a en outre pointé du doigt des industriels qui "pourraient faire beaucoup plus" contre la flambée des prix, citant Unilever, Nestlé ou Pepsi. Ce que Jacques Creyssel voit comme une "bonne façon de mettre de la pression" sur certains acteurs. Bruno Le Maire a en revanche salué des industriels ayant annoncé des baisses de prix, comme le spécialiste des pâtes alimentaires Barilla ou le géant des huiles Avril.
Jean-Philippe André a de son côté affirmé à l'AFP vouloir croire que si "deux ou trois exemples" sont cités, "l'immense majorité est vertueuse et responsable aux yeux de Bercy". Bruno Le Maire a en outre demandé aux supermarchés une "répercussion obligatoire et immédiate de la baisse des prix des industriels sur les prix en rayon". Il a cité l'exemple d'un produit dont la baisse de prix de vente en amont a mis trois mois pour être répercuté en rayon.
Dernier point : le gouvernement entend s'attaquer à la "shrinkflation" (du verbe anglais shrink, rétrécir), une pratique marketing qui consiste à masquer la hausse des prix des produits en réduisant les quantités dans un emballage semblable avec un prix de vente identique. Cette pratique est légale à condition que la mention du poids de la denrée soit modifiée. Mais elle peut induire en erreur les consommateurs.
"C'est une victoire pour Foodwatch et les dizaines de milliers de personnes mobilisées sur la pétition lancée (...) il y a tout juste un an", s'est de son côté félicitée l'association de défense des consommateurs jeudi soir.