Plus d’un an après son entrée à Bercy, Bruno Le Maire a présenté lundi en conseil des ministres son premier projet de loi. La loi Pacte, chargée de booster la croissance des entreprises, a mis longtemps à voir le jour mais devrait bien être promulguée avant la fin de l’année. Objectif : "lever les freins à la croissance" et "renouer avec l'esprit de conquête économique", selon le ministre de l’Économie. Reste que le passage de la loi Pacte au Parlement devrait être mouvementé. Déjà des critiques s’élèvent, à gauche principalement, pour critiquer une loi qui laisserait les salariés de côté.
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Un objet social pour repenser l’entreprise. Changer le visage du capitalisme : c’est comme ça que Bruno Le Maire présente sa loi Pacte. En effet, le texte a longtemps été réduit à quelques articles phares sur l’objet social des entreprises. Concrètement, le gouvernement entend amender l'article 1833 du code civil qui définit "l'intérêt commun des associés" comme seul objectif des sociétés françaises. Un but quelque peu restrictif que Bercy souhaite élargir aux "enjeux sociaux et environnementaux". Une façon de coller aux aspirations de la société et donc des salariés.
Il s’agit de "donner aux entreprises une coloration, une identité sociale et sociétale", explique sur Europe 1 Olivia Grégoire, députée LREM qui porter la loi Pacte à l’Assemblée. "On ne peut pas s’émouvoir du manque de considération pour les problématiques environnementales et ne pas considérer ce sujet de l’objet social", ajoute-t-elle. Reste que le gouvernement n’est pas allé aussi loin que prévu, au grand dam des associations. "Les modifications très attendues des deux articles du Code civil sur l'intérêt social de l'entreprise sont trop timides", regrette Manon Aubry, porte-parole d’Oxfam France.
Pas de "raison d’être". En effet, ce pan de la loi Pacte s’appuie sur un rapport remis en mars par Nicole Notat, ancienne dirigeante de la CFDT, et Jean-Dominique Sénart, PDG de Michelin. Si Bercy a bien retenu la proposition d’un objet social élargi, il n’a en revanche rien imposé. Ce dispositif sera "facultatif", a précisé Bruno Le Maire, en réponse aux craintes du patronat. Par ailleurs, le rapport préconisait que chaque entreprise se donne une "raison d’être", son "ADN" et "son étoile polaire", selon les mots du patron de Michelin. Une redéfinition qui impliquait aussi de redéfinir les objectifs de l’entreprise et jugée trop contraignante par le Medef, entre autres.
Plus d’administrateurs salariés. Mais l’objet social n’est pas le seul point censé améliorer la vie des Français au travail dans la loi Pacte. Le gouvernement souhaite renforcer la présence des employés dans les conseils d’administration. Le texte impose donc à toutes les entreprises possédant un conseil d’administration d’au moins huit membres de nommer deux administrateurs salariés. Un pas en avant qui, là encore, laisse Oxfam de marbre. "Reconnaître la nécessité d'une plus grande présence salariée dans la gouvernance est un bon signal mais passer de un à deux salariés dans les instances de représentation relève à ce stade du cosmétique", dénonce l’ONG qui lutte contre les inégalités.
" On souhaite que le salarié puisse s’investir dans la réussite de sa boîte "
Olivia Grégoire réfute toutes ces critiques. "Faciliter la vie des chefs d’entreprise, ça veut dire leur permettre de passer moins de temps sur des formalités administratives, et plus de temps pour faire du chiffre d’affaires et donc embaucher plus de salariés", assure la porte-parole du groupe LREM à l’Assemblée. "De plus, des dizaines d’articles concernent le partage de la valeur", souligne Olivia Grégoire.
"Pas la révolution annoncée". C’est le troisième axe en faveur des salariés dans le texte porté par Bruno Le Maire : la loi Pacte va inciter les patrons à mettre en place des dispositifs d’intéressement et de participation. "On souhaite que le salarié puisse bénéficier d’autres valeurs que le salaire, qu’il puisse s’investir, avec de l’épargne salariale et de l’épargne retraite, dans la réussite de sa boîte", appuie la députée LREM. Dans le fond, cela se traduit par la suppression du forfait social, une taxe de 20% payée par… les chefs d’entreprise et qui freine le développement de ces dispositifs dans les PME.
"Il y a un peu plus de codétermination, un peu plus de participation et d’intéressement, mais on est très loin de la révolution annoncée !", regrette Dominique Potier, député PS interrogé par Libération. "Réduire les salariés à de simples sujets objets de redistribution, c’est passer à côté de leur volonté d’être pleinement associés aux décisions." Insuffisant également pour Oxfam : "Il y a une forme de paradoxe à parler du partage de la valeur ajoutée, de l'entreprise moderne, sans aborder la nécessaire question de l'encadrement des dividendes des actionnaires, qui a atteint un niveau record ces dernières années", rappelle Manon Aubry, porte-parole de l’ONG.
Travail parlementaire. Globalement, le gouvernement se défend d’avoir laissé les salariés de côté dans la loi Pacte. "On ne touche en rien aux droits des salariés", affirme Olivia Grégoire. La députée LREM appelle à laisser le temps aux parlementaires de faire leur travail. Plus de règlement intérieur dans les entreprises de moins de 50 salariés ? "C’est à voir. Aujourd’hui, ce n’est pas écrit comme ça." Pas de local syndical obligatoire dans les sociétés de 200 et 250 salariés ? "C’est le genre de sujet sur lequel il faut s’attendre à voir les parlementaires s’exprimer. On va rentrer dans le débat." Pas assez d’administrateurs salariés ? "Une proposition est faite dans le texte. Comptez sur nous pour la pousser un peu plus. On est aujourd’hui à deux, la majorité pourrait aller un peu plus loin." Verdict en septembre, après l’examen des deux chambres législatives.