Quel avenir pour la mobilisation contre la réforme du code du travail ? C’est la question à laquelle doivent répondre les syndicats, conviés mardi soir au siège de la CFDT. Autour de la table, en plus des troupes de Laurent Berger, des délégations CGT, FO, Unsa, Solidaires, FSU, CFE-CGC et CFTC vont réfléchir à une éventuelle mobilisation unitaire avant la ratification des ordonnances, le 20 novembre. Incapables de s’entendre jusqu’ici, les syndicats sont divisés, à l’image de Force ouvrière, dont la position reste floue.
FO entre deux feux. Deux lignes vont s’affronter lors de cette réunion. D’un côté, la CFDT et ses soutiens (CFTC, CFE-CGC) estiment que la mobilisation contre les ordonnances ne passe plus par la rue mais par un combat quotidien dans les entreprises pour négocier les meilleures conditions de travail. De l’autre, la CGT, soutenue par Solidaires, reste persuadée de pouvoir faire reculer le gouvernement et obtenir quelques assouplissements de dernière minute. Entre ces deux visions de la contestation sociale, FO cherche sa place.
Mailly pressé par sa base. Malgré quelques désaccords sur le fond, Jean-Claude Mailly s’était déclaré satisfait du processus de consultation organisé cet été par le gouvernement pour rédiger les ordonnances. Le leader syndical avait notamment réussi à convaincre Emmanuel Macron de donner plus de pouvoir que prévu aux branches. Par conséquent, contrairement à l’an dernier sur la loi El Khomri, FO n’a pas appelé à manifester aux côtés de la CGT et Solidaires, en septembre et en octobre, conduisant ainsi à l’essoufflement progressif du mouvement de contestation. Sauf que la position de Mailly, également celle du bureau fédéral de FO, a suscité de vives contestations au sein de la base. Il lui est notamment reproché sa trop grande bienveillance envers Muriel Pénicaud - Mailly avait salué sa nomination, et surtout sa proximité avec Stéphane Lardy, ex-négociateur de FO entré au cabinet de la ministre.
En effet, un certain nombre de militants de Force ouvrière n’ont pas apprécié que leurs dirigeants ne montent pas au front contre les ordonnances. Désobéissant aux consignes nationales, sept fédérations professionnelles sont descendues dans la rue les 12 et 28 septembre, affichant les couleurs de FO à renfort de banderoles et de drapeaux. Dans le même temps, Jean-Claude Mailly réitérait sa position, à savoir pas d’appel commun avec la CGT, qualifiant même de "grognons râleurs" les militants FO qui regrettaient l’absence de leur centrale dans les manifestations. Une dissonance qui a culminé lors de la grève des routiers du 25 septembre, quand le secrétaire général de FO a appris "dans un communiqué" que la fédération des transports routiers se joignait à la CGT.
Changement de ligne progressif. La pression de la base militante et la polarisation de la lutte syndicale autour de la CFDT et de la CGT ont finalement poussé Jean-Claude Mailly a changé d’avis. Conscient que la voix de FO n’a pas suffisamment porté pendant la séquence des ordonnances, le secrétaire général consent désormais à participer à une journée d’action unitaire. Ce retournement a pris forme lors du Comité confédéral national qui s’est tenu fin septembre et décrit comme "chaud, tendu", par un participant interrogé par BFMTV. A cette occasion, 123 des 143 secrétaires d'union départementales, de fédérations et d'organisations ont voté pour une résolution "contre les ordonnances" préconisant "une mobilisation interprofessionnelle avant la ratification". Mis en minorité, Jean-Claude Mailly et le bureau de FO, se sont pliés à la volonté de la base de durcir le ton.
Malgré ce repositionnement de FO, à l'issue d'une intersyndicale le 9 octobre dernier, les syndicats avaient de nouveau échoué à arrêter une action unitaire. Depuis, ils ont entamé les consultations avec le gouvernement sur les nouvelles réformes (formation, apprentissage, assurance chômage). Jean-Claude Mailly assume désormais son changement de ligne. "Nous souhaitons qu'il y ait une date de mobilisation avant le débat sur la ratification, donc avant la semaine du 20 novembre, ce sera un des débats mardi soir", a-t-il affirmé sur Public Sénat, lundi. La date du samedi 18 novembre est avancée.
Revendications plus larges que la loi Travail. "Quand on peut avoir une unité d'action sur des bases assez claires, tant mieux, on pèse plus quand on est ensemble que séparément mais on a vu que dans la dernière période cela n'était pas aussi que simple que cela", a ajouté Jean-Claude Mailly, précisant que son syndicat allait "vraisemblablement" lancer "des recours juridiques (…) sur le référendum ou sur la suppression du CHSCT". Toutefois, il ne s’agit pas d’un soutien plein et entier à la CGT. En effet, le secrétaire général de FO a posé une condition à sa participation : qu’il n’y ait "pas que la loi Travail" comme mot d’ordre. Pour lui, il faut une mobilisation élargie à d’autres "dossiers en cours : problèmes dans le service public, problème de l'assurance chômage.
La main tendue par Mailly pourrait pousser à son tour Philippe Martinez à lâcher du lest et accepter une journée d’action contre l’ensemble des réformes sociales. Interrogé mardi matin au ministère du Travail après une rencontre avec Muriel Pénicaud, le secrétaire général de la CGT a dit souhaiter qu'il "puisse y avoir le plus rapidement possible (…) une journée de mobilisation pour fédérer un peu tous les mécontentements qui existent dans ce pays". Pas sûr que cette ligne élargie suffise à mobiliser la CFDT mais elle assure quasiment à la CGT le soutien de FO, pourtant loin d’être acquis il y a encore quelques semaines.