Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Emmanuelle Ducros, toujours en direct du salon de l'agriculture, qui se tiendra jusqu'à dimanche porte de Versailles a Paris. Vous nous parlez ce matin de souveraineté alimentaire, avec un exemple, celui de notre filière volaille
Le salon de l'agriculture, c'est toujours un moyen de faire le point sur les forces et les faiblesses de nos filières. Et quand on parle de volaille, et surtout de poulet, on est dans un vrai paradoxe.
C'est une filière qui a le vent en poupe du point de vie de la consommation. La France est le pays d'Europe où on mange le plus de volaille, c'est même la viande que nous consommons le plus depuis l'année dernière, devant le porc. On en consomme 28 kg par an et par personne, à 80%, du poulet. Une consommation qui a augmenté de 25% en 10 ans, c'est colossal. Ca se comprend très bien : c'est une viande peu chère, qui a été moins montrée du doigt médiatiquement que le boeuf pour ses effets sur l'environnement et qui, en plus, est confessionnellement fédératrice. Il n'y a pas d'interdits alimentaires religieux sur le poulet comme il y en a sur le porc. La demande de poulet va continuer à croître, on le sait déjà.
Mais on n'en produit pas assez...
Non. Si notre consommation est toujours plus importante, la production n'a pas du tout évolué depuis le début des années 2000. On ne peut pas dire que la France s'est dépeuplée de ses poulaillers. Simplement, on a fait comme si rien n'avait changé dans les habitudes de consommation.
Et donc, on importe toujours plus de poulet.
Oui : C'est un des postes de notre balance commerciale qui se dégrade le plus ces dernières années. Désormais, un poulet sur deux consommé en France vient d'ailleurs. Cela représente même les trois quarts du poulet en restauration hors domicile, au restaurant, dans les cantines, ou dans les sandwich. Du poulet qui vient au mieux de pays européens, la Pologne, la Belgique, les Pays -Bas, ou de bien plus loin d'Ukraine, du Brésil, de Thaïlande. Mais il faut souligner une chose : s'il y a un différentiel de cout de production sur ces poulets, ce n'est pas tant ça qui explique les importations que l'absence d'offre française, par exemple, sur le poulet d'entrée de gamme. On n'en fait plus, la production est montée en gamme... mais il y a des trous dans la raquette.
On peut inverser la tendance ? Relocaliser la production?
La filière l'espère bien. Elle s'est fixé un objectif de construire 80 nouveaux élevages chaque pour reprendre 20 % de parts de marché dans les cinq prochaines années et fournir de la volaille française à un marché qui en veut. Est ce que c'est possible ? Ca dépend de nous, les citoyens. Les projets d'élevage sont systématiquement attaqués, par des riverains et des associations environnementales hostiles à ce qu'elles appellent l'élevage industriel... Alors que la filière française a, en moyenne, les plus petits élevages d'Europe... Et que les poulets d'élevage viennent de structures 10 ou 20 fois plus grandes que les nôtres.
Un travail législatif est en train d'être mené pour faciliter les autorisations et alléger les contraintes administratives, qui étaient des casse-têtes pour les éleveurs. Cela va prendre du temps. Mais ça doit être une leçon. Beaucoup de filières alertent, comme la volaille, sur le fait qu'elles sont en train d'être distancées. Il faut s'en soucier avant que ce soit réellement le cas. Car rattraper le retard, c'est un parcours du combattant.