Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Emmanuelle Ducros, toujours en direct du salon international de l’Agriculture cette semaine. Salon qui a un invité d’honneur pour la première fois de son histoire : le Maroc. Un pays qui a de bonnes et intenses relations commerciales agricoles et agroalimentaires avec la France... Mais qui pâtissent d’un point de discorde important : la tomate cerise.
Entre la France et le Maroc, effectivement, c’est l’histoire d’échanges agroalimentaires qui se passent bien, la France vend au Maroc des céréales, le Maroc, qui est bénéficiaire dans l’échange, envoie des fruits et des légumes, des poissons, des engrais. Mais effectivement, il y a un gros irritant, la tomate cerise, dont le Maroc inonde les étals français, ce qui rend furieux nos producteurs
C’est une histoire ancienne...
Oui, mais une histoire qui a évolué. En 2000, l’Union europénne et le Maroc ont signé un accord d’association, qui permet au Maroc d’exporter vers l’Europe 285 000 tonnes de tomates sans droits de douane chaque année, et au-delà, avec un taux réduit. Ca n’a d’abord pas posé de problème. Le Maroc produisait des tomates rondes d’entrée de gamme, les productions françaises et européennes étant plus sophistiquées. Et puis, le Maroc a lancé un plan agricole amibitieux, Maroc Vert, et il s’est aussi lancé sur la tomate haut de gamme
Et ça a très bien marché... Oui. Avec un climat favorable toute l’année, une main d’oeuvre bon marché, le Maroc est devenu le roi de la tomate cerise. Il a imposé un standard : la barquette à 99 cts. Elle lamine les productions espagnoles et françaises, pas seulement l’hiver, mais toute l’année. Pour la première fois en 2023, il s’est vendu sur le marché européen plus de tomates produites au Maroc qu’en Espagne. Plus de la moitié est écoulée en France. Conséquence, la production française a reculé de 13 % en 2023.
Les tomates cerises marocaines sont devenues des totems politiques...
Oui, parce que le Maroc et l’Union européenne doivent renégocier un accord d’association, le précédent étant caduque. Les tomates cerises marocaines sont devenu un objet politique, un totem de la concurrence déloyale, dont s’est emparé le rassemblement national, et notamment la députée Hélène Laporte – circonscription de Marmande. Il y a eu des heurts contre les importateurs dans le sud ouest de la part de producteurs. Cela pollue les relations diplomatiques entre les deux pays.
Cela peut-il se régler au salon de l’agriculture ?
Il y a des discussions entre producteurs des deux rives, pour trouver un accord qui statisfasse tout le monde. Les producteurs français voudraient qu’on limite un peu les volumes, au moins en saison, ou qu’on relève les droits de douane. Ca finira sans doute par se débloquer.
Mais attention. Il faut toujours se garder, dans ce genre de conflits commerciaux d’être radical. La France est un pays qui vend partout dans le monde ses productions agricoles. Elle vit mal les entraves à l’export quand elle les subit. C’est le cas en ce moment avec le cognac en Chine. Le Maroc est devenu une puissance agricole, il a investi, travaillé, il a le droit de vendre ses productions. C’ets le jeu. Peut-être qu’il faut réguler un peu, mais en gardant toujours à l’esprit que les échanges, ça se fait dans les deux sens.