Tous les matins après le journal de 8h30, Emmanuelle Ducros dévoile aux auditeurs son «Voyage en absurdie», du lundi au jeudi.
Emmanuelle Ducros, vous êtes en direct du Salon de l’Agriculture, qui se tiendra jusqu’à dimanche prochain. Le président de la République y a passé sa journée de samedi, au contact des agriculteurs et de leurs organisations professionnelles. Il a visiblement eu une prise de conscience. Il les a incités à produire plus.
On n’avait pas entendu ça depuis des années dans l’agriculture française, où régnait un discours béat et naïf sur fond de maraîchage urbain et de bio en circuit court.
« Il faut produire, il faut produire, il faut produire, le président nous l’a répété trois fois. A se demander s’il était au pouvoir ces dernières années. » C’est ce que m’a raconté mi amusé mi agacé le président d’une grande interprofession agricole. Un autre m’a expliqué qu’il avait presque eu l’impression qu’on lui reprochait de ne pas en faire assez. Emmanuel Macron est allé encore plus loin. Il a fustigé ceux qui mettent des bâtons dans les roues de la production agricole. Ecoutez :
Son https://x.com/BFMParis/status/1893221303445848163Son
0’26 / 0’52. A trop contraindre nos agriculteurs qu’est ce qu’on fait : on perd notre capacité à produire notre alimentation chez nous (… ) et puis pour exporter. »
Ce discours, il créé autant d’espoirs qu’il fait grincer les dents du monde agricole.
Cet Emmanuel Macron qui déplore qu’on impose à notre agriculture les contraintes que n’ont pas les voisines européennes et qui sabotent les capacités productives, c’est celui -là même qui, en 2017, a voulu interdire pour la seule agriculture française le glyphosate. Une interdiction qui érodait notre capacité à produire notre alimentation. C’est celui qui a accepté que la France surtranspose des quantités de règles européennes, sur les installations d’élevages, sur la gestion de l’eau. C’est celui qui accepte que la France s’interdise des phytosanitaires parfaitement légaux chez nos voisins, comme l’acétamipride, ce qui lamine des filières entières, de la noisette aux pommes en passant par les betteraves et les céréales. Ca tombe bien, une loi envisage de corriger cette distorsion ! Emmanuel Macron n’a qu’a la soutenir si’il veut que la France puisse produire! Les « concurrences déloyales » qu’il dénonce n’en sont pas. Ce sont des handicaps autoinfligés, auxquels il a participé.
Qu’est ce qui explique ce soudain revirement ? Cette redécouverte de la nécessité de produire ?
D’abord, peut-être, la grande dégringolade de nos productions. Céréales, betteraves, fruits et légumes, élevages : toutes les filières martèlent depuis des années qu’on leur retire leur capacité à produire. On en voit les conséquences concrètes. il est temps de réagir.
Et puis, la grande tectonique géopolitique en cours fait comprendre à l’Europe que sa satiété n’est pas acquise. Que dans un monde au bord de la guerre, assurer la subsistance alimentaire, c’est aussi construire une capacité de défense et de résistance. C’est terrible qu’il ait fallu en arriver là pour dessiller la grande naïveté française. Le président veut que l’Agriculture produise ? Chiche. Qu’il mette ses actes et ceux de son gouvernement en adéquation avec ses paroles.