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Face à la suspension de l’aide militaire américaine à l'Ukraine, le débat sur la confiscation des actifs russes refait surface en Europe. Le sujet a été remis en avant lors du sommet qui s’est tenu ce week-end à Londres. Et il a donné lieu en France à un spectaculaire moment d'équilibrisme politique.
Hier, à l'Assemblée nationale, les députés de la France Insoumise ont tenu un point presse, au cours duquel, la confiscation des avoirs russes a été évoquée. Et pour eux, pas question de toucher aux quelques 210 milliards d'euros qui dorment dans les banques européennes. Le député Bastien Lachaud a expliqué que le droit international permet leur gel, mais interdit la confiscation. Et qu'il faut donc s'en remttreau droit interational.
C'est aussi l'avis du Gouvernement.
Oui, qui n'est pas partagé par d'autres Etats européens, et pas non plus par des spécialistes du droit international, qui expliquent que ce serait, certes compliqué, mais que l'interdiction n'est pas gravée dans le marbre et peut avoir un cadre légal. Mais tout cela est presque anecdotique au regard de l'argumentaire développé ensuite par LFI.
Le député Bastien Lachaud a expliqué sa position au cours d'un longue explication sur son fil X.
Et là, on a touché au sublime. Un député LFI soudain pris de tremblements de jeune vierge éffarouchée à l'idée de confisquer de l'argent de milliardaires, pince moi, je rêve. "Ceux qui soutiennent cette mesure font preuve d’irresponsabilité, a écrit le député Lachaud. Une telle décision aurait des conséquences désastreuses pour la France : plus aucun investisseur ne prendrait le risque d’y placer son argent si ses avoirs pouvaient être saisis. De plus, il y a un problème de réciprocité : la Russie ne manquerait pas d’appliquer les mêmes mesures contre nous. Plutôt que de mettre l’économie russe à genoux, ils mettraient la nôtre en grande difficulté."
Un discours qui ne déparerait pas à la tribune du Medef.
Vous plaisantez, au Medef, personne n'oserait aller si loin dans un tel contexte. Et voilà donc LFI complètement à contre emploi, qui brandit l'attractivité de l'investissement en France - un sujet dont il n'a jamais eu rien à cirer - et la défense économique de nos entreprises. Sachant que le parti menace, en toutes autres occasion, de les ratiboiser pour leur apprendre à sucer la moelle des pauvres travailleurs... C'est savoureux.
Mais pas autant que cette vibrante défense du grand capital, qu'on n'oserait même pas avoir chez Javier Millei ou Donald Trump. Les députés d'extrême gauche passent leurs journées à vouloir réquisitionner les fortunes de millionnaires français - on ne parle même pas des milliardaires qu'ils rendent responsables de toutes les inégalités, du changement climatique, des déficits des retraites, probablement de la peste et du choléra... Et voilà qu'un député appelle soudain, avec des trémolos dans le tweet, à épargner les oligardques russes, les proches de Poutine et leurs fortunes bâties sur les activités mafieuses et l'oppression. Visiblement, tout cela est plus respectable à leurs yeux que de gagner de l'argent en vendant du champagne et des sacs à main.
D'autant qu'en 2022, Jean-Luc Mélenchon disait l'exact inverse.
Oui, dans une note de blog, au début de la guerre, il appelait à mettre la main sur tous les biens russes, comptes en banques, appartements, villas ! Il n'était pas alors question de droit international. Mais depuis, LFI s'est engagé dans un petit jeu cynique, votant systématiquement au parlement national et européen contre l'aide à l'Ukraine. On ne sait pas trop pourquoi, peut-être parce que le parti espère que cela contribue à une mécanique du chaos dont il espère profiter, ou qu'il est aussi contaminé par la propagande russe, ce ne seraient pas les seuls sur l'échiquier politique français. Mais que cela aille jusqu'à protéger les milliardaires, ça, on ne l'avait pas vu venir. Comme quoi, l'anticapitalisme, c'est comme le reste chez LFI - la morale, le droit international, la lutte contre l'antisémitisme, la défense des femmes ou des minorités, c'est à géométrie totalement variable, selon les intérêts du moment.